À votre service : chapitre 07


Coucou !

On avance. Déjà Octobre. Voilà trois mois que j'ai commencé l'écriture de AVS. Trois mois que je vous propose également ses premiers chapitres en lecture sur le site. Si je fais le bilan, je suis plutôt fière de moi. Cette romance pour l'instant est bien entamée au niveau de l'écriture. Si tout va bien, je finirai d'écrire sans doute le tome 1 le mois prochain. Autant dire que c'est un record de vitesse pour moi. Bien sûr, il reste à recopier, peaufiner, corriger avant de vous le proposer. Je sais déjà sur quoi vont s'orienter les modifications et corrections pour donner qqch d'encore plus profond. Ces chapitres sont des 1ers jets donc ils vont encore être améliorés. Ils vous donnent toutefois une idée de l'ambiance et de la raison de cette histoire.

Je vous remercie de vous voir chaque semaine plus nombreux à vous pencher sur ce nouveau départ qu'est cette histoire. Je vais tâcher d'être à la hauteur ! Promis !

© Jordane Cassidy - 2017

 


7

 

Argent d'autrui n'enrichit pas.”

 

Proverbe français - Dictionnaire des proverbes et idiotismes français (1827)

 


Valentin poussa son caddy, ne réalisant toujours pas le tour de force que son employée de maison avait réussi à opérer sur lui. Heureusement, il avait pu un peu dormir avant. Une heure de sieste bienvenue, mais trop courte. Malgré tout, il n’avait pas le choix. Il devait régler tout ce qui concernait cette embauche rapidement. Recueillir toutes les infos nécessaires pour qu’elle puisse prendre ses fonctions efficacement lui semblait prioritaire. Pourtant, en se remémorant les causes qui l’ont mené en ce lieu, il doutait à présent d’avoir utilisé son temps à bon escient.

— Bon, quel est le budget nourriture disponible ? demanda-t-elle tout en regardant l’emplacement des promos de la semaine.

— Je ne sais pas. Prenez ce dont vous avez besoin et allons-y…

— Ne râlez pas. Si vous voulez, je vous paie le Macdo si l’on rentre trop tard pour cuisiner.

— Parce que vous croyez que je vous paie pour me faire manger des hamburgers ?

— C’est bon, les hamburgers ! fit Camille, exprimant un enthousiasme gourmand. Vous préférez sinon manger à vingt-deux ou vingt-trois heures ?

— Parce que vous comptez rester combien de temps dans le magasin ? répondit Valentin, inquiet pour son estomac.

— Qui sait !

Camille lui sourit alors et commença à prendre des légumes.

— Bon, je sais déjà quel légume ne pas acheter…

— Vous savez déjà quel plat vous allez me préparer ? demanda Valentin, tout en regardant ses gestes par-dessus son épaule.

— Non… J’improviserai ! répondit-elle tout en restant vague.

— Pourquoi est-ce que je sens que je vais avoir de mauvaises surprises ? bougonna-t-il en se remémorant son attitude parfois inattendue depuis leur rencontre du matin.

— Mais non ! Ne soyez pas défaitiste ! Vous m’avez embauché, donc je me dois d’être irréprochable maintenant !

— Vous pensez vraiment ce que vous dites ?

— Bien sûr ! Pourquoi ? Vous en doutez ?

 

Valentin la fixa un instant. Entre sa volonté d’être une bonne recrue et ses maladresses, et sa façon bien particulière de gérer les choses, il avait tendance à s’interroger. Mais c’était aussi ce qui avait motivé son embauche.

— Je ne sais pas trop quoi penser de vous, je dois avouer. Vous êtes déroutante par moments.

— Je pense pareil que vous, de vous ! lui répondit Camille alors aussi surprise qu'enthousiaste.

— Ah bon ?! C’est quoi ce qui vous déstabilise chez moi ? demanda alors Val, piqué par la curiosité.

— Eh bien, je ne sais jamais avec vous si c’est du lard ou du cochon… Oh ! Ça me fait penser qu’il faut que j’achète du porc ! Vous mangez bien du porc ? Vous n’êtes pas musulman ?

Valentin se passa la main sur le visage, las. Il avait pourtant dormi, mais cette discussion lui semblait pire que celle avec Cassandre.

— Oui, je mange du porc ; je suis athée.

— Ah oui ? fit Camille tout en regardant une salade.

— Cela vous pose un problème ? Vous êtes croyante ?

— Du tout ! fit-elle en la posant dans le caddy et en attrapant un sac de pommes de terre.

— Parfait ! répondit-il de façon rassurée. Les prières n’ont pas le temps de s’exercer pendant vos heures de travail !

— C’est un peu discriminatoire, votre propos…

Elle attrapa des tomates et les mit dans un sachet.

— Je suis pragmatique. Le temps, c’est de l’argent et c’est ce qui nous rend efficaces !

— Et sinon, vous respirez aussi ? lança-t-elle moqueuse, tout en lui tendant les légumes pour qu’il aille les peser.

Valentin ne répondit rien. Voilà encore une de ces remarques qui le déroutait. Elle était forte pour faire réfléchir les gens et les mettre dans un trouble certain. Respirait-il ? Évidemment. Dans les faits, il mourrait s’il ne le faisait pas. Maintenant, il admettait que sa question avait le don de pointer du doigt une hygiène de vie qui lui était difficile à accepter au fond de lui. Il ne maîtrisait pas vraiment ses journées. C’était son quotidien qui le guidait dans une spirale qui, il était vrai, pouvait vite l’étouffer et le faire paraître tyrannique et aigri.

Il se contenta d’aller peser ses légumes en grommelant sur la prédisposition de Camille à remarquer des détails agaçants.

Putain ! Voilà que je pèse des légumes, alors que je devrais être sur mon canapé ! Je fais son boulot. Quel con ! 

Lorsqu’il revint à son caddy, il vit que Camille avait disparu. Il la chercha au milieu de la foule et l’aperçut en train de commander quelque chose au poissonnier. Elle semblait plaisanter avec le vendeur avec insouciance, sans s’inquiéter de lui. Elle récupéra son paquet au bout de quelques minutes et revint vers lui, tout sourire.

— Super ! Ça, c’est fait ! J’avoue que c’est cool d’acheter sans regarder les prix ! C’est même la première fois que j’ai carte blanche pour mes achats !

— Attendez ! Attendez ! s’alarma alors Valentin. Vous avez acheté quoi ? Ce n’est pas parce que le vendeur vous drague qu’il faut tout gober et prendre sa marchandise la plus chère !

— Vous drague ? fit alors Camille, interloquée par son jugement. Il ne m’a pas dragué ? Il était charmant, mais il n’y a rien eu de déplacé ou intéressé.

— J’ai bien vu le manège…

— Vous, vous aimez comme moi, voir des histoires d’amour naître ! fit-elle de façon coquine tout en secouant l’index devant son nez comme si elle avait découvert un trait de caractère chez lui très confondant, bien que louable. Ne vous inquiétez pas ! Je ne remarque jamais quand on me drague. Je suis une taupe concernant les jeux de séduction. Donc, il ne risquait pas de m’amadouer si je reste hermétique à ses tentatives. Bref ! Rassurez-vous ! Je n’ai rien pris d’extravagant dans ce sachet.

Valentin la fixa, complètement perdu par ses volte-faces successives. Elle retournait toujours la situation à son avantage avec une naïveté dont il avait du mal à cerner la véracité.

— Que je ne fixe pas de budget, c’est une chose… Que vous achetiez n’importe quoi, c’en est une autre ! Je n’ai pas dit que je voulais un repas de prince. Je ne suis pas gourmet au point de manger des trucs qui valent la peau des couilles ! Donc, j’espère pour vous que ce que contient ce sachet reste abordable.

— Franchement, Monsieur Duval, je ne doute pas de votre bienveillance et de notre collaboration, mais vous devriez vraiment prendre deux minutes pour respirer. Vous êtes vraiment en stress et ce n’est pas bon pour vous. Vous allez vraiment finir par m’inquiéter. Vous devez me faire confiance un minimum. J’ai acheté du saumon. On déstresse ; ce n’est pas du caviar !

Elle lui tapota l’épaule avant d’aller prendre des yaourts. Valentin posa sa main sur le caddy et ferma les yeux.

— Et après, c’est moi qui suis déstabilisant…

 

 

Tous deux passèrent de rayon en rayon. Elle proposa ; il acquiesça ou refusa. Quand ils arrivèrent à la caisse, Camille laissa échapper son soulagement à la vue du ticket de caisse.

— Ouf ! J’ai bien calculé ! Je ne voulais pas dépasser les deux cents euros.

— Vous avez compté ? fit alors Valentin, une nouvelle fois surpris.

— Oui, je suis d’un milieu où un sou est un sou ! Je suis vite revenue à mes travers. J’achète utile. Dépenser pour le plaisir ; je n’y arrive pas. Soyez content ! Vous pourrez réinvestir autrement !

Elle lui prit le caddy des mains et le poussa vers la sortie. Valentin la regarda faire, avec la nette impression d’être pris dans une machination où, quoi qu’il fasse, elle aurait toujours le dernier mot et la victoire sur lui au bout.

— Dépêchez-vous ! Nous avons encore une chance que je vous cuisine un plat ce soir et non que vous mangiez des hamburgers !

 

******

 

— Vous allez voir, vous m’en direz des nouvelles ! Camille s’activa entre les fourneaux et le comptoir pour dresser la table à Valentin. Elle semblait à la fois fière et nerveuse. Heureuse aussi de pouvoir faire ses preuves d’un point de vue culinaire. Cette joie communicative fit sourire Valentin qui s’amusa silencieusement à l’observer, si investie dans sa mission. Il ne ratait aucune de ses réactions pour mener à bien son projet de satisfaire les papilles de ce dernier. Malgré des moments de réflexions et d’égarement à chercher les ustensiles, une lueur déterminée demeurait dans ses yeux marron. Elle était pleine de petits rictus qu’il finissait par remarquer et trouver mignons.

— C’est quoi le menu de ce soir ? demanda-t-il en posant sa main sur son menton, le coude appuyé sur le comptoir et assis devant son assiette.

— Je vais vous faire des tagliatelles au saumon ! Je vous avais dit que j’étais experte ès pâtes. Vous allez redécouvrir vos papilles !

— Rien que ça ? Quelle assurance !

— Ouep ! fit-elle en s’affairant devant les fourneaux. Je suis sûre que l’odeur aiguise déjà votre appétit !

— Oui, en même temps, j’ai faim depuis tellement longtemps que ça n’est pas compliqué ! Je me demande si finalement, je n’aurais pas mieux fait de m’acheter des hamburgers !

Camille se retourna et grimaça.

— Faites le malin. Vous allez bientôt vénérer tous les dieux réunis de m’avoir mis sur votre route !

— Je vous ai dit que j’étais athée !

Camille se mit à sourire en se mordant la lèvre.

— Si vous doutez tant que ça de mes capacités, pourquoi m’avoir laissé ma chance ?

Valentin se mit à sourire à son tour.

— Ce fut le pire entretien que j’ai eu.

Camille le regarda, interloquée. Elle était consciente du fiasco, mais ne comprenait pas son choix malgré le fait qu’il le reconnaissait lui aussi.

— C’est pour cette raison que vous m’avez engagée ?

— Non. Je n’aime pas perdre mon temps inutilement. Vos pâtes ne sont-elles pas en train de cramer ?

— Quoi ?

Réalisant le changement de sujet soudain, Camille se retourna précipitamment vers la gazinière et regarda sa poêle. D’abord paniquée par sa remarque alarmante, elle respira à nouveau en voyant que c’était une fausse alerte. Elle se tourna à nouveau vers son patron, un brin fâchée par la blague dans laquelle elle avait sauté pieds joints.

— Ce n’est pas sympa de me faire des frayeurs pareilles !

— Je voulais juste vérifier que je vais bien manger ce soir ! fit-il en marmonnant dans sa main le soutenant.

Finalement, il se mit à rire en la voyant plisser des yeux.

— Je vais devoir encore attendre longtemps avant de pouvoir goûter vos super tagliatelles à tomber par terre ? Non, parce que sinon je vais me faire un sandwich, à défaut des hamburgers ! La famine me guette sérieusement !

— Pourriez-vous me rappeler combien de temps est restée votre si parfaite ancienne employée de maison, avant mon arrivée ?

Il se redressa et respira un bon coup.

— Si parfaite… oui. Bonne question ! Plusieurs années !

— Et elle ne vous a pas trucidé ?

— Tuer un contrebandier ne serait pas judicieux ! Pourquoi le ferait-elle ? Vous voyez bien que je suis en vie ! Heureusement d’ailleurs ! Vous n’auriez pas votre salaire sinon !

— Et sinon, vous n’avez pas un testament laissant des millions ainsi que la maison à votre merveilleuse imparfaite nouvelle employée de maison en face de vous ?

Camille lui présenta son plus beau sourire séducteur et hypocrite possible, n’hésitant pas à cligner des yeux pour chercher chez lui une once d’admiration pour elle. Valentin pouffa.

— Ma parole ! Vous êtes une rapide ! Dès le premier jour ! Whouaou ! Effrayante… comme votre cuisine ! D’ailleurs, cette fois-ci, ça ne sent vraiment pas le cramé ?

 

Camille le fusilla du regard devant sa nouvelle tentative de déstabilisation, puis renifla l’air ambiant. Ses yeux s’arrondirent avant de foncer éteindre le feu.

— Tout… va bien ! fit-elle alors, feignant une assurance.

— Vous mentez mal ! Vous êtes tendue.

Elle se tourna vers lui et lui prit son assiette. Elle y déposa son repas et, après une brève présentation de l’ensemble pouvant faire oublier les éventuels couacs, elle lui rendit l’assiette.

— J’ai dit : « Tout-va-bien ! ».

Elle lui rendit un regard convaincu et attendait à présent le verdict en silence. Valentin visa son assiette avec doute. Il ne détecta pas l’once d’un morceau plus grillé ou cramé qu’un autre. Elle avait même ajouté une branche de persil pour peaufiner l’ensemble dans une présentation qu’elle voulait plus sophistiqué. Il attrapa sa fourchette et commença à déplacer avec curiosité les morceaux de saumon au milieu des tagliatelles jusqu’à tenter l’inconcevable : en porter un peu dans sa bouche. Camille interpréta la scène comme un film au ralenti où son destin allait être scellé par ce simple geste. Valentin mâcha encore et encore, bien conscient que Camille était pendue à ses lèvres.

— Alors ? s’impatienta-t-elle, plus inquiète que jamais de n’avoir pu mener à bien sa première mission.

Tout à coup, Valentin se figea et fit une grimace comme si quelque chose clochait. Il écarquilla les yeux et l’observa un instant en silence. Complètement paniquée et peu convaincue toutefois de son échec, elle lui prit l’assiette et la fourchette des mains et en goûta un morceau.

— Hey ! C’est mon repas ! s’offusqua Valentin, à moitié soufflé par son côté sans gêne même s’il était amusé de la faire marcher aussi facilement.

Camille mâcha et ignora Valentin qui récupéra son assiette.

— Mais… ça va ! C’est bon ! Pourquoi vous faisiez cette tête juste avant ?

Valentin lui reprit la fourchette des mains et engloutit deux bouchées supplémentaires de tagliatelles avant de répondre.

— C’est peut-être pour ça que je vous ai engagé… On peut vous faire croire n’importe quoi. Il suffit d’un tout petit détail déclencheur et vous en faites un tsunami. C’est impressionnant. Très effrayant. Amusant aussi. Aussi mignon que déconcertant. Je me demande jusqu’où on peut vous mener en bateau. Lors de l’embauche, je me suis demandé si c’était naturel chez vous, cette prédisposition à faire monter les enchères comme ça, si vous réalisiez comment vous pouviez partir dans des extrêmes souvent assez abracadabrants. J’ai eu ma réponse…, je crois du moins.

— C’est donc pour ça que vous m’avez embauché ? déclara-t-elle, consternée.

Valentin mâcha de nouvelles bouchées avant de répondre.

— C’était une des raisons, mais pas la première.

— Et c’était quoi la première ?

Valentin s’essuya la bouche avec sa serviette de table et s’étira.

— Je vous le dirai peut-être… si j’arrive à digérer ça !

 


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