À votre service : chapitre 01


Bonjour à tous !

Voici le premier chapitre de ma toute nouvelle romance À votre service !. J'espère que vous prendrez plaisir à suivre chapitre après chapitre, cette nouvelle aventure jusqu'à sortie du livre.

© Jordane Cassidy - 2017


1

 

“Ne vous souciez pas d'être sans emploi ; souciez-vous plutôt d'être digne d'un emploi.”

Confucius, Entretiens


— Allez… Respire un grand coup. Ce n’est qu’un entretien d’embauche de plus.

Camille regarda pour la dixième fois sa montre. Elle avait cinq minutes d’avance par rapport à ce qui avait été fixé lors de la prise de rendez-vous. Ce jour-là, elle avait d’abord bégayé au téléphone, puis s’était contentée de répondre « oui » à tout ce que lui disait son interlocuteur au bout du combiné. Sa voix l’avait dans un premier temps troublée. Puis il s’était présenté et ce fut la panique à bord. Elle avait regardé ses parents attablés pour midi et ils comprirent immédiatement. Dans une discrétion digne de deux éléphants au pas de charge, ils s’étaient précipités à côté d’elle pour écouter silencieusement la discussion. Son père ponctuait la conversation téléphonique en levant son pouce à chaque mot positif entendu ; sa mère faisait des bonds de cabri tout en s’efforçant d’étouffer ses petits cris stridents en mettant sa main sur sa bouche. Même en essayant de rester discrète, elle avait eu beaucoup de mal à cacher sa joie. Cet entretien d’embauche signifiait peut-être la fin de la galère pour toute la famille.

Il avait une voix grave, posée, assez autoritaire, digne d’un patron. Rien de bien surprenant en somme, mais toutefois restant impressionnant à entendre. Pourtant, Camille avait pu déceler une certaine chaleur se dégageant de ses mots, comme une façon de ne pas accabler non plus les gens qu’il acceptait en entretien. Du coup, elle se rendit compte en raccrochant qu’elle était allée dans son sens pendant toute la conversation, sans vraiment réaliser l’enjeu de cet entretien.

Aujourd’hui, devant le portail de la villa, elle se demanda s’il était judicieux de venir sonner à sa porte cinq minutes avant. Quel patron était-il vraiment ? Autoritaire ou cool ? Borné ou compréhensif ? Était-ce bien vu d’être en avance pour lui ou allait-il mal le prendre d’être dérangé cinq minutes avant l’heure fatidique de leur rendez-vous ? Il avait peut-être un autre entretien d’embauche avant… Prendre cinq minutes à la personne avec qui il était risquait alors d’être mal vu. Autant mettre les pieds sous la table et lui dire droit dans les yeux : « c’est moi ou rien ! Les autres ne m’arrivent pas à la cheville ! ». Camille soupira.

Tu n’auras jamais cette prétention, Cam ! Ce n’est pas toi…

C’était terrible de douter à ce point. Elle se jaugea une dernière fois des pieds à la tête. Le gilet était sans doute de trop. Ses chaussures risquaient de lui déplaire. Mais en même temps, elle n’avait pas une garde de robe de princesse. Son CV n’était pas le meilleur pour cette fonction, mais sa volonté était sa force. Il était hors de question de lâcher quoi que ce soit malgré ses lacunes ou son manque d’expérience. Elle regarda le porte-étiquette au-dessus de l’interphone.

Valentin Duval… Je ne me suis pas trompée ! Allez ! Courage !

Elle sonna à l’interphone, hésitante. Très vite, on décrocha et un « oui » sec trancha le silence.

— Euh… Bonjour… Je… J’ai rendez-vous. Je viens pour l’entretien. Je veux dire l’entretien d’embauche !

Camille entendit alors le portail grésiller, indiquant son autorisation à entrer.

Merde ! J’ai oublié de me présenter. Super ! Je commence bien ! Vive la politesse !

À la fois méfiante et inquiète, elle avança le long de l’allée menant à la villa. C’était une propriété comme il en existe beaucoup dans le sud de la France. Haute clôture au niveau de la route, grand jardin, piscine avec transat et une maison de plein pied immense. Deux grands pins permettaient de donner de l’ombre à la terrasse donnant sur la piscine ainsi qu’à l’entrée du garage où un grand SUV noir était stationné. Bref ! Elle avait sous les yeux tout ce qu’elle n’avait jamais connu. Elle tenta de se redresser pour faire bonne figure, mais n’en menait quand même pas large. La piscine n’était pas immense, mais suffisamment longue pour faire quelques longueurs. En ce mois de mai, les premières chaleurs laissaient planer des envies de farniente sur une des chaises longues, un cocktail près de soi et un bon livre à la main.

Tu repasseras pour la vie de château, cocotte ! Toi, ton boulot risque d’être différent ! Tu prépareras le cocktail pour ceux qui seront allongés sur ces transats !

Elle soupira. Parfois, la vie était bizarre. On pouvait soit être heureux et vivre dans une luxueuse maison, soit se contenter de ce que la pauvreté ne nous enlèverait jamais : les sentiments. Camille avait sa famille, la meilleure qui soit malgré les difficultés et c’était le principal.

— L'eau de la piscine est encore froide !

Camille se retourna brusquement, se sentant tout à coup coupable d’avoir osé contempler l’impensable pour la pauvre femme de ménage qu’elle prétendait être. Elle se racla la gorge un instant et observa l’homme appuyé contre la porte d’entrée. Chemise blanche, pantalon beige clair, il se contentait de sourire, les bras croisés.

Voici mon employeur… enfin mon potentiel employeur… Il est… jeune !

La trentaine, il était l’archétype du gars qui avait réussi dans la vie, très tôt. Genre « je fais du golf le dimanche, ma petite amie est grande et sculpturale et je ne m’habille pas chez Jules ! ». Châtain clair, la tignasse au vent, le sourire de surfeur et toute la gent féminine bavant devant lui dès qu’il leur fait un clin d’œil.

OK, ça pourrait être pire !

— Bonjour Monsieur Duval ! Je suis Camille Bonin. Je…

— … Suis là pour un entretien… d’embauche ?

— Oui…, répondit-elle, confuse.

Dans le genre « je passe pour une idiote », j’ai passé haut la main la première épreuve !

— OK ! Entrez !

Voilà… Moi, Camille, Gourde cinq étoiles face à M. Décontracté puissance dix ! Tout-va-bien !

Elle se dépêcha de le suivre alors qu’il disparaissait derrière la porte. Sa hâte se stoppa net en regardant l’intérieur des lieux : spacieux, élégant, moderne, immaculé… et sans chaleur.

Parfait ! Le ton est donné au moins !

— Venez ! Approchez ! insista l’hôte des lieux avec un air à la fois malicieux et désabusé.

Camille s’exécuta avec angoisse. Elle avait atteint le stade du «  Qu’est-ce que je fous là ? ». Ses doigts s’entremêlant sans relâche la trahissaient. Le propriétaire l’invita à s’asseoir au comptoir de la cuisine. Cuisine blanche laquée, ouverte sur le salon et équipée de trucs certainement hors de prix.

— Un verre ? l’interrogea-t-il avec amusement.

L’effet fut certain au vu de ses yeux en forme de soucoupes qu’elle lui offrit en réponse. Elle oscillait clairement entre le « est-il fou ? » ou « suis-je folle ? ». Depuis quand un employeur propose à une potentielle recrue de boire un verre ? Il lui tourna le dos et se mit à rire en attrapant deux verres dans un des placards en hauteur de la cuisine. Il les posa devant elle et sortit une bouteille de jus de fruits.

— Vous aimez le jus d’orange, j’espère ?

Camille déglutit tout en hochant la tête. C’était le pire entretien d’embauche qu’elle avait pu passer. C’était comme si le cuisinier faisait bouillir l’eau de la marmite avant de jeter le pauvre crabe qu’elle était, vivante, dedans. La pire des tortures au monde ! Il n’y avait pas plus déroutant ! Et le pire, c’est qu’elle savait que le test avait commencé, qu’il était déjà en train de sonder ses moindres réactions pour se faire un jugement. Il versa le jus d’orange dans les deux verres calmement et l’invita à le prendre. Camille considéra l’objet comme le piège ultime. Si elle faisait un bruit étrange de succion en buvant, c’était le recalage assuré. Mais comment éviter cette déconvenue vu l’état de stress dans lequel elle était maintenant ? Elle réalisa qu’elle avait peut-être manqué de réaction. Il attendait peut-être qu’elle se précipite pour faire le service à sa place, comme toute employée de maison l’aurait fait…

Ou bien il l’aurait peut-être aussi mal pris, pensant que je le prenais pour un empoté incapable de servir deux verres de jus de fruits… Je suis fatiguée…

— Santé ! déclara-t-il alors en levant son verre et en buvant tout en la fixant tranquillement.

Camille dévia rapidement son regard du sien et attrapa son verre à la hâte.

Foutu pour foutu, autant soulager ma gorge sèche !

Elle but alors d’une traite son verre sous le regard impressionné de son bourreau qui comptait presque les « glous glous » qu’elle faisait avec son gosier à chaque goulée. Lorsqu’elle reposa le verre, elle lâcha un spasme de satisfaction et s’essuya la bouche du revers de la main avec indifférence.

— Je vois que ce jus de fruits était finalement le bienvenu ! rétorqua alors le propriétaire des lieux aussi surpris par son nouveau comportement que par ce qu’il pouvait en déduire.

— Il était offert pour ça, non ? répondit-elle avec une assurance retrouvée.

Valentin Duval lui sourit, puis finit son verre tout en la fixant. Camille affronta son regard jusqu’à ce qu’il pose le verre et recule pour prendre appui sur la gazinière en soupirant.

— Je vais être clair. J’ai vingt-six candidatures. J’en ai vu vingt-trois. Certaines ont un CV impressionnant, d’autres semblent complètement incompétentes. Pour les autres, rien qu’à les voir, je sais que ça ne le fera pas. Je pourrais déjà faire mon choix parmi celles qui feraient l’affaire. Pourtant, je m’obstine à continuer à voir tout le monde pour je ne sais quelle raison.

Il s’avança alors vers Camille et posa ses avant-bras sur le comptoir.

— Alors, dites-moi, Mademoiselle Bonin, en quoi êtes-vous différente des vingt-trois précédentes ?


À votre service : chapitre 2 =>


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