À votre service : chapitre 13


Bonne année !

Bon, comme je l'avais indiqué sur ma page FB, j'ai un peu de retard sur la publication du chapitre, car mon accouchement a dû être avancé... Autant dire que la fatigue, les bibs et les couches me donnent un quotidien assez prenant, mais je suis là ! lol ! Bref, voici le chapitre 13 !^^

Bonne lecture !

© Jordane Cassidy - 2018


 

13

“Le désir de connaître le pourquoi et le comment est appelé curiosité.”

De Thomas HobbesLéviathan

 


Valentin était en train de se curer les dents avec son cure-dents de façon amusée. Il se délectait du spectacle. Si le repas fut frivole, tout en légèreté sur le fait de comment cuisiner de bons spaghettis à la bolognaise, le dessert fut plus tumultueux. Chacun avait dû se battre pour imposer son libre arbitre sur comment servir le dessert. Valentin prenait un malin plaisir à jouer sur l’engagement de Camille à être une parfaite femme d’intérieur, en l’empêchant d’accomplir sa tâche impeccablement. Ça le faisait rire de contrecarrer ses actions, allant même jusqu’à la servir pour la mettre le plus mal à l’aise possible.

Au final, elle l’avait supplié de la laisser débarrasser la table et ranger la cuisine. Il avait éclaté de rire en lui répondant qu’il aurait dû se payer lui-même pour avoir été si serviable ce soir ! Camille avait alors levé les yeux et soupiré d’exaspération. Malgré tout, c’était bien la première fois qu’ils s’entendaient aussi bien.

 

Valentin la regardait donc depuis, ranger, astiquer, vérifier si tout était bien en ordre dans la cuisine. Il savait que plus elle se sentirait surveillée, plus elle manifesterait une rigueur à toute épreuve pour lui prouver qu’elle était digne du poste et de sa confiance. Son engagement lui fit plaisir. Vouloir être parfaite à ses yeux trouvait un écho touchant, même si cela était inutile de son point de vue ; la perfection était souvent ennuyeuse. Toutefois, il aimait cette idée d’être considéré et choyé. C’était complètement différent de ce qu’il avait vécu avec Gigi, son ancienne employée. Camille était plus attentive à son moral.

Avec le cœur…

Il repensa à Cassandre et à ce qu’il pourrait vivre avec elle si elle emménageait enfin chez lui. Il pouvait même imaginer sa petite amie à la place de Camille, s’occupant de lui, en le séduisant avec un bon petit plat. Bien sûr, ils n’auraient pas le loisir de prendre un dessert, car ils finiraient immanquablement dans sa chambre à se montrer un intérêt réel réciproque. Valentin sortit de sa rêverie lorsque Camille s’étira et lui sourit gentiment.

— Merci pour ce repas partagé. Je vais vous laisser. Vous devez être fatigué et vouloir vous retrouver un peu seul.

Surpris, Valentin regarda l’heure à la pendule

Il n’est pas tard… Déjà ?

— Passez une bonne nuit ! À demain !

Sans lui laisser le temps de réagir, elle quitta la cuisine pour se rendre à son studio. Valentin s’arrêta de mâchouiller son cure-dent et regarda la cuisine, puis le salon, tous deux vides, silencieux. Il était fatigué, certes. Il fallait qu’il profite de cette soirée pour se reposer, mais il se sentait énervé. Énervé par l’excitation de cette soirée particulièrement réussie avec Camille. Il alla se jeter sur son canapé pour zapper les chaînes de la télévision, mais l’envie n’y était pas. Il avait l’impression de perdre cet équilibre qu’il avait réussi à instaurer avec Camille et qu’il voulait conserver. Il faisait trop froid ce soir pour faire un plongeon dans la piscine et il n’avait pas spécialement envie de voir ses amis. Il se retrouvait lors de l’une de ces rares fois où il devait tuer le temps de toutes les façons possibles pour ne pas sentir sa solitude. Il savait qu’il pouvait profiter de ce temps libre pour réaliser ce qu’il n’avait jamais le temps de faire, mais il ne trouvait rien de concrètement intéressant. Il mâchouilla encore et encore son cure-dent, lorsque son regard se posa sur la plante verte.

Sashimi… Tu parles d’un nom pour une plante ! En même temps, qui nommerait une plante ?

Il s’esclaffa devant l’absurdité du truc, puis se calma en contemplant chaque feuille, chaque branche, chaque déviation. Le pot était assez classique. Ça manquait de personnalisation quand on savait que sa propriétaire aimait humaniser les choses. Il en vint même à se dire que Sashimi ferait un arbre de Noël sympa, si on lui rajoutait des guirlandes.

Je suis sûr qu’elle l’a déjà fait !

Il se redressa du canapé et regarda en direction du studio. Que faisait-elle ? Dormait-elle déjà ?

À vingt et une heures, elle doit se mater un film à coup sûr ! Je me demande ce qu’elle regarde…

Il jeta un œil à sa télé et zappa à nouveau les chaînes, cherchant le programme sur lequel elle avait pu jeter son dévolu. Ne trouvant rien d’alléchant ou répondant à son caractère, il s’agaça et jeta la télécommande sur la petite table.

En même temps, elle est toujours là où on ne l’attend pas ! Je suis sûr qu’elle mate un truc auquel je n’aurais jamais songé !

Il s’enfonça à nouveau dans le canapé et souffla tout en regardant le plafond. Il se faisait tellement chier qu’il en venait à penser aux activités extra-professionnelles de son employée.

Qu’est-ce que ça peut te foutre, sans déc ’ ! Fais ta vie, Val !

Il soupira à nouveau. Le salon était toujours aussi vide et il se voyait presque entamer une discussion avec Sashimi, tant il se sentait ridicule. Il observa un instant la plante, se disant qu’elle savait sans doute plein de choses sur sa propriétaire qu’il ignorait. Jusqu’à présent, il ne s’était pas trop interrogé sur ses loisirs, sa vie personnelle ou ses envies. Après tout, chacun sa vie ! Et il en occupait déjà un temps considérable de la sienne pour se permettre de s’incruster dans le peu de temps qu’elle avait de libre.

Il cracha son cure-dent dans un élan de pathétisme profond. Ce dernier retomba sur ses cuisses, sans grâce ni précision. Il baissa les yeux dessus. Son énervement prenait de l’ampleur, à se voir monter une pièce de théâtre de type monologue, accompagné d’un cure-dent et d’une plante nommée Sashimi ! Il se leva rapidement, ne supportant plus cette situation. Il regarda une nouvelle fois en direction du studio et fronça les sourcils.

— Elle a dit au début qu’elle ne voulait pas manger avec moi ce soir, car elle avait quelque chose de prévu… C’est quoi ?

Il fonça vers la dépendance de la maison avec la ferme intention de savoir ce qui était plus intéressant pour elle que de passer du temps avec lui. Il se posta devant la porte communicante à sa maison et toqua fièrement. Il put entendre une succession de bruits avec un « oui ! » plutôt paniqué résonnant dans le studio. Très vite, Camille ouvrit la porte et lui parut réagir comme quelqu’un ayant des choses à cacher, mais jouant une fausse transparence pour paraître rassurante.

— Un problème, Monsieur Duval ? se hâta-t-elle de demander avec un sourire forcé.

Valentin la toisa de la tête aux pieds, cherchant l’indice compromettant. Il bloqua sur un détail, outre son pyjama vraiment bizarre avec Titi et Gros Minet.

— Alors, c’est ça la chose de prévue plus importante que souper avec moi ?

Valentin plissa les yeux tout en fixant l’objet du délit dans les mains de la coupable. Comprenant vite le danger venir, Camille le cacha immédiatement dans son dos, avec l’espoir du dicton « pas vu, pas pris ! ».

— On se bouffe donc des M&M’s en cachette et on ne veut pas partager… sympa !

Camille se pinça les lèvres, se rendant compte qu’elle avait bien été prise en flagrant délit de gourmandise.

— Des M&Ms Crispy en plus ! Mes préférés ! Ça mériterait presque un retrait de salaire, un tel égoïsme ! C’est sûr ! C’est meilleur que vos fameeeux spaghettis à la bolognaise !

— Et sinon ? Vous venez pour quoi ? tenta alors la jeune femme de demander pour dévier le sujet sur quelque chose d’autre que sa disposition à faire des cachotteries.

 

Valentin la fixa avec dédain.

— Je souhaiterais manger des crêpes, demain matin… Est-ce possible ? Ça fait longtemps que je n’en ai pas mangées.

— Demain matin ? C’est vraiment urgent ?

Valentin croisa les bras, insinuant par son attitude qu’on était loin de l’employée modèle sur laquelle on pouvait compter.

— Je dois préparer la pâte et la laisser reposer. Ça m’oblige à la faire ce soir, pour être prête demain… ou alors, je fais tout ce soir pour être tranquille demain matin… Ah ouiii ! Je dormirai plus longtemps comme ça… Mais bon, faudra les réchauffer. Niveau fraîcheur, ce ne sera pas pareil que cuite sur le moment…

 

Valentin se mit à sourire en la voyant tergiverser face au défi qu’il venait de lui proposer.

— Il y a peut-être un moyen de trouver un arrangement… genre une compensation pour éviter de les faire pour demain. Ma patience peut s’acheter… Après tout, je peux être un tyran indulgent parfois…

Il visa alors l’arrière de son dos comme une évidence à la résolution du dilemme. Camille regarda alors ce que cachaient ses mains et comprit l’importance du deal et de son sacrifice.

Elle lui lança un regard plein de pitié, cherchant sa compassion et son altruisme à lui aussi, mais dut se rendre à l’évidence que le paquet de M&M’s allait devoir être partagé. Elle le sortit de derrière son dos comme si on lui ôtait un membre, et lui tendit avec réticence, refusant de le lâcher lorsqu’il tenta de s’en emparer.

— Je savais qu’on trouverait un terrain d’entente encore une fois ! lui déclara-t-il sur un ton fier et victorieux.

Il secoua légèrement le paquet pour en sonder la quantité, puis constatant avec amusement la mine déconfite de Camille, il la bouscula nonchalamment et entra dans le studio malgré l’absence d’autorisation. Camille le regarda faire, à la fois déconcertée et inquiète de ce qu’il tramait à présent.

— Charmant. Vous avez bien agencé le studio !

— J’ai fait comme j’ai pu…, lui répondit-elle méfiante.

Il détailla chaque partie du studio avec minutie, puis observa l’écran TV.

— Naaan ! C’est une blague ! Ne me dites pas que vous matez ça !

Camille baissa les yeux, confuse.

— J’ai toujours aimé regarder cette saga… Depuis toute petite ! Je ne rate aucune rediffusion.

— C’était donc ça, l’impératif de ce soir ? Plus important que moi et les spaghettis ?

 

Camille haussa les épaules. Mais très vite, le générique du film Angélique, Marquise des Anges se termina et les premières scènes du film commencèrent. Camille se mit à s’agiter en réalisant qu’elle allait perdre de précieuses minutes de visionnage à cause de son patron. Valentin leva les yeux de dépit.

— Vous l’avez déjà vu ! Ce n’est pas non plus une question de mort si vous ratez le début.

— Monsieur Duval, je vous aime bien, mais on ne critique pas une fan comme ça ! Bien sûr que si, c’est la mort ! Je n’ai plus mes M&M’s et vous me pourrissez le début avec votre visite et vos excuses douteuses. Je ne vais pas être d’humeur joueuse dans quelques minutes !

Valentin la dévisagea, pantois.

Elle a donc cerné que mon manège était peu réaliste… Mince ! Je suis vraiment nul en comédie.

— OK, OK…

Valentin se mit à rire, en la voyant jeter des coups d’œil à l’écran comme une droguée cherchant sa dose pour se soulager l’esprit. Il alla alors sauter sur son lit et s’allongea.

— Je vais éviter l’effusion de sang ; j’accepte de partager MES M&M’s !

— Quoi ? Parce que vous comptez rester ? Vous devez dormir !

— Si vous ne voulez pas de mes M&M’s, il faut le dire ! Je voulais juste être conciliant ! Je vais flinguer le paquet sans vous ! Dépêchez-vous...

Camille ouvrit sa bouche de stupéfaction devant l’air sans gêne de son patron.

— Oh mon Dieu ! Regardez ! Angélique ! lui cria-t-il tout en montrant la télévision du doigt.

Alarmée, Camille se focalisa tout de suite sur l’écran avant d’entendre un rire venant du lit.

— Je vous ai eu ! Allez ! Venez ! fit-il en tapotant la place à côté de lui. Vous allez rater votre film !

N’ayant guère le choix, Camille alla le rejoindre et s’allongea à côté de lui.

— Je vous préviens…, lui dit-elle menaçante, je ne veux aucun commentaire !

Valentin lui offrit un magnifique sourire en réponse.

— M&M’s, Miss Bonin ?


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