À votre service : chapitre 03

 


Grâce à Yaya ( merciii  ), on a trouvé un moyen de connecter mon ordi à mon téléphone pour que je puisse vous poster le chapitre 3. Donc le voilà ! Valentin décide d'embaucher Camille. Viens l'heure de régler les détails...

© Jordane Cassidy


3

 

“En quelque maison que vous entriez, dîtes d'abord : paix à cette maison.”

 

Saint-Luc - Évangile

 


 

À partir de ce moment-là, tout sembla trouble, confus, pour Camille. Comme si un épais brouillard avait envahi son esprit, elle gravitait dans la maison sans arriver à mettre des mots sur ce qu’elle ressentait. M. Duval lui présenta la maison, mais elle ne réalisa pas grand-chose. Elle ne cessait de ressasser ce qui avait pu le faire changer d’avis, se demandant qu’est-ce qui avait fait qu’elle avait soufflé la place aux vingt-cinq autres candidates.

Elle le suivait depuis plusieurs minutes à présent dans un dédale de pièces et de couloirs sans rien retenir d’autre que la tonalité de sa voix, plutôt calme, posée, confiante, et son dos couvert par sa chemise blanche en lin. Elle regarda un instant ses chaussures et les compara aux siennes, comme si cela était un moyen de justifier que leur compatibilité à travailler ensemble se résumait à celle de leurs chaussures.

— Vous avez compris, Mademoiselle Bonin ? vint alors à l’interrompre dans ses rêveries Valentin.

Elle leva les yeux vers son visage et le contempla de façon hébétée.

— Non, je n’ai… pas tout suivi. Je n’ai pas mon… carnet de notes.

À son regard perdu, Valentin comprit vite qu’il s’époumonait pour rien. Il soupira, exaspéré.

— En gros, je cause dans le vide depuis tout à l’heure et je viens d’embaucher un poisson rouge qui a déjà fait le tour de son bocal et a tout oublié... Super !

Camille lui offrit un sourire navré, même si elle se voulait être de bonne volonté.

— OK. Eh bien, je sais ce qu’il me reste à faire. Il va falloir en plus que je lui écrive le guide de la bonne domestique.

Il s’éloigna, la laissant dans sa gêne.

— Comme si j’avais que ça à foutre…

— Monsieur ! Je ne veux pas paraître ingrate, mais… pourquoi moi ? Qu’est-ce que vous avez cerné de différent chez moi, par rapport aux autres ?

Valentin renifla un instant, puis plissa les yeux.

— Je rêve ou vous me renvoyez ma question de l’entretien en pleine tronche ? fit-il en s'esclaffant.

— Oh non ! Loin de moi l’idée de vouloir vous offenser ou vous mettre mal à l’aise ! s’alarma instantanément Camille, se sentant sur une pente glissante tout à coup. C’est juste que je doute que ce soit le fait de vous avoir assimilé à un contrebandier de petites culottes qui m’ait fait gagner des points…

Valentin Duval posa ses mains sur ses hanches, l’air contrarié.

— Effectivement, plus le temps passe, et plus je me demande ce qui a bien pu me passer par la tête. Donc, si j’ai un conseil à vous donner, c’est de mettre votre cerveau en mode « super gouvernante » dès maintenant si vous ne voulez pas connaître les raisons de votre renvoi !

Valentin se mit à sourire tandis que Camille grimaça et hocha de la tête, désolée d’être si maladroite. L’air contrit de Camille finit par adoucir l’humeur de Valentin, voyant bien qu’elle ne voulait pas être désobligeante pour autant.

— Bon… Passons ! Je suis en repos aujourd’hui donc vous emménagerez ici cet après-midi. Je vais vous montrer vos quartiers.

— Quoiii ! cria-t-elle alors. Attendez ! Comment ça, j’emménage cet aprèm ?

— Pour être à mon service, je vous veux disponible H24 !

— Vous… vous me faites marcher ! se mit alors à rire Camille tout en secouant son index pour montrer qu’elle avait compris le côté taquin de sa phrase.

M. Duval plissa à nouveau les yeux et le rire de Camille alla s’étouffer immédiatement dans sa gorge. S’il y avait bien une chose qu’elle avait comprise en peu de temps, c’est que lorsqu’il plissait des yeux, il ne rigolait pas !

Merde ! Il est sérieux !

— Je vous pensais prête à tout pour avoir un salaire… Aurais-je mal entendu ? lui lança-t-il tout en se penchant à hauteur de son visage.

Camille déglutit et se contenta de lui sourire faussement.

— Montrez-moi mes quartiers ! Je suis… impatiente ! grommela-t-elle son dernier mot, voyant maintenant très facilement quel type de relation se profilait entre eux.

— À la bonne heure ! se satisfit Valentin en se redressant, une lueur supérieure dans le regard.

 

Tous deux se dirigèrent vers un couloir à l’arrière de la maison.

— Pourrais-je avoir un plan de la maison ? lui déclara-t-elle de façon sarcastique. Je suis perdue !

Valentin s’arrêta et la jaugea un instant.

— Même avec une carte et une boussole, je suis sûr que vous seriez incapable de vous repérer !

Camille fit une moue boudeuse, admettant cependant volontiers qu’il n’avait pas entièrement tort.

— Ma maison n’est pas un château. Il ne faut pas exagérer ! Elle fait deux cent quatre-vingt-cinq mètres carrés. C’est grand, mais ce n’est pas non plus un labyrinthe !

— Effectivement, ce n’est pas un château. Que deux cent quatre-vingt-cinq mètres carrés, c’est être petit joueur !

— Vous cherchez à vous faire virer ? Dites-le, on gagnera du temps si c’est le cas ?!

— Je vis dans un quatre-vingts mètres carré à six ! Donc, laissez-moi sourire quand vous minimisez l’espace habitable de votre maison ! Pour moi, vous avez quand même une vie de château !

— Je ne suis pas châtelain. Je suis juste un type qui s’est arraché les doigts du cul pour devenir un architecte convoité et qui a ainsi pu se payer la maison qu’il souhaitait. Donc désolé si en plus, j’ose recruter une pauvre fille comme vous sans le sou comme bonne à tout faire parce que je n’ai pas le temps de m’occuper de certaines besognes ! Est-ce ma faute si nous avons chacun une vie différente ? Non ! Donc, passons à autre chose !

Valentin reprit sa marche, agacé. Il fit de grandes enjambées que Camille avait du mal à suivre. Elle l’avait vexé.

— Pardon ! Je ne voulais pas vous fâcher… C’est… sur vos plans que la maison a été construite ?

Valentin ralentit son allure et soupira.

— Oui. J’ai encore un crédit dessus. Ça casse vos fantasmes de mec blindé de fric, pas vrai ?

— Ça aide à se sentir moins ridicule, oui ! lui répondit-elle en haussant les épaules.

Valentin s’esclaffa devant l’air presque désolé de Camille, heureuse de voir que leur niveau social n’était finalement pas un gouffre, juste un fossé. Il secoua sa tête, abasourdi par la façon dont elle pouvait balader son monde avec une innocence à faire peur !

 

Valentin finit par ouvrir une porte devant en eux tout en l’invitant à entrer.

— Voici vos appartements. Enfin, on va parler de façon plus terre-à-terre puisque l’idée de palace semble vous rendre aigrie, voici votre studio ! Il y a tout ce qu’il faut. Kitchenette, salle de bain, WC et lit. Faites comme chez vous… dans la mesure du décent et du respect de ces murs, bien évidemment.

Camille fit le tour du propriétaire, ébahie.

Tout ça pour moi ? Il est sérieux ? Et j’aurais même une salle de bain pour moi toute seule ? !

— Ça vous va ?

— Vous me demandez si ça me va ? se mit à rire Camille.

Elle lui lança un regard reconnaissant.

— Comme une princesse ! lui répondit-elle timidement et touchée d’être si bien accueillie.

Valentin fut surpris par cette dernière attitude, comme s’il la sauvait de quelque chose d’affreux. Il se contenta de lui sourire, gêné finalement lui aussi.

Elle s’avança un peu plus, examinant la kitchenette.

— Quelqu’un a déjà vécu ici ?

Valentin contempla le studio avec nostalgie.

— Oui, mon ancienne femme de ménage. Vous croyez que j’ai fait faire cette dépendance pour vous ?

— Pourquoi n’était-elle plus ici ? Elle a fait une bourde ? L’avez-vous renvoyé à la suite de ça ?

— Non, elle était parfaite !

— Parfaite ? Rien que ça !

— Parfaite, oui ! Vous allez avoir du mal à arriver à ses chevilles ! s’amusa-t-il alors à lui dire comme une marque de défi.

Camille haussa les épaules une nouvelle fois, comme si c’était le cadet de ses soucis de rivaliser avec une absente.

— Elle a posé sa démission, car son fils devait partir faire ses études sur Montpellier et elle a préféré le suivre. Malheureusement, on sait toujours ce qu’on perd, mais jamais ce qu’on gagne en échange…

Valentin lâcha un gros soupir désespéré, comme si le départ de son ancienne domestique était la fin du monde, surtout en constatant un peu mieux sa remplaçante. Camille plissa des yeux, avec la ferme intention de répondre à sa manière à ses petites brimades.

— Mouais… Elle ne vous supportait plus, en fait. Je commence à la comprendre !

— Il est encore temps de fuir, Mademoiselle Bonin ! lui suggéra-t-il tout en haussant un sourcil. Vous renvoyer à ce stade ne serait qu’une formalité !

Elle le regarda de la tête aux pieds, puis sourit.

— Je suis persuadée que vous êtes un tyran !

— Vous n’avez pas idée de mon exigence !

Camille pouffa, comme si on lui avait sorti la plus grosse ineptie de la journée.

— Fuyez ! Il n’est pas encore trop tard ! lui souffla-t-il tel un doux avertissement.

— Votre exigence ne fera que confirmer la douce joie de récupérer mon salaire à la fin du mois ! Je vais en savourer chaque billet !

Valentin lui sourit, ravi de voir qu’elle ne se démontait pas, qu’elle restait inflexible sur sa décision d’être son employée de maison. Cette ténacité lui plaisait.

— Avant de savourer votre salaire, il va falloir me faire savourer votre cuisine ! Je mange à vingt heures le soir et à midi trente pour le déjeuner. Tout doit être prêt à ces heures-ci. Je ne tolérerai aucun retard ! Mon planning est bouclé ainsi. Si vous échouez à cette simple tâche, vous mettez en péril la bonne marche de mon travail. Est-ce clair ?

Camille alla tester le matelas sur lequel elle allait maintenant passer toutes ses nuits, puis sourit à l’idée de trouver une intimité qu’elle n’avait jamais eue, mais dont elle avait toujours rêvé.

— Je savais que vous étiez un tyran ! gronda-t-elle, tout en se moquant de son air autoritaire. Et sinon, pour ce midi, vous avez quelque chose de prêt à manger, ou dois-je rentrer en panique dès maintenant ?

Valentin s’appuya contre un des murs du studio et croisa ses bras, satisfait finalement de voir qu’il avait sans doute eu raison de porter son choix sur elle.

— Je ne mange pas ici à midi. J’ai un rendez-vous à l’extérieur. Vous aurez le temps de vous installer. Je vais vous donner un double des clés.

Camille s’allongea sur le lit et s’étira.

— Merci pour ce répit, Monsieur ! Votre gentillesse est touchante !

Valentin grimaça en constatant qu’elle s’amusait autant que lui à le chambrer.

— J’aime bien ce lit ! ajouta-t-elle. Je sens que je vais bien dormir !

— Profitez bien de votre première journée ! À partir de demain, vous allez cravacher comme une dingue ! Il y a plein de choses à faire !

— Ai-je au moins le droit à un jour de repos ? Ou est-ce un camp de travail ?

Valentin se mit à rire légèrement. Une douce sensation sadique lui traversa l’esprit à l’idée de jouer vraiment les tyrans avec elle.

— Vous aurez vos repos en fonction des miens !

— C’est-à-dire ?

— Quand je peux les prendre ! lui répondit-il, amusé d’être énigmatique.

Camille se redressa et se leva pour se poster devant lui.

— C’est-à-dire ? insista-t-elle plus sévèrement.

— Je bosse beaucoup. Donc parfois, il m’arrive de bosser dix jours d’affilée, voire même quinze ! Tout dépend de l’urgence de mes projets. Travailler les week-ends, les soirs, est une possibilité assez fréquente chez moi, à vrai dire. C’est pour ça que j’ai besoin de vous H24 ici. C’est plus simple pour moi.

— Je comprends. Ça ne doit pas être facile tous les jours pour vous…

 

Valentin se trouva surpris par ses paroles. Il baissa les yeux, réalisant qu’effectivement, c’était souvent compliqué de tout concilier. Sans parler de cette fatigue qui ne le lâchait pas. Au-delà d’une servante, il attendait une alliée et avec une telle réponse, il était sûr qu’il l’avait vraiment trouvée maintenant. Son instinct premier ne l’avait pas trahi.

— Suivez-moi ! lui déclara-t-il alors, heureux de cette nouvelle collaboration.

Ils retournèrent au salon de la maison et Valentin sortit un jeu de clés du tiroir d’un buffet.

— Voici les clés de toutes les portes ici. Je vous laisse accès à tout pour prévenir tout désagrément. Il n’y a aucun objet de valeur donc vouloir me voler juste une télé ne vous mènera pas loin !

Camille le toisa sévèrement.

— Je ne suis pas une voleuse !

— Je sais. Je voulais juste voir votre tête s’agacer.

Il se mit à rire alors.

— Très intéressant à voir ! ajouta-t-il tout en se secouant légèrement la tête de dépit.

Camille lui offrit une moue boudeuse en réponse.

— Comment savez-vous que je ne vais pas vous voler ?

Il la fixa sérieusement un instant.

— Vous êtes maintenant la complice d’un contrebandier de petites culottes ! Vous ne risqueriez pas votre vie en détournant mes biens. Les contrebandiers ont mauvaise réputation. Un accident est si vite arrivé…

Il soupira tout en gardant un petit air machiavélique qui fit pouffer Camille. Elle se mordit la lèvre, complètement gênée par cette histoire. Elle n’en revenait toujours pas d’avoir pu lui sortir une telle énormité sans qu’il ne la renvoie vers la sortie à coups de pied au cul !

— Il n’y a même pas un porte-clés mignon accompagnant le trousseau ! lui fit-elle alors remarquer. Ce que vous êtes dur, froiiid, vraiment peu accueillant !

— Il y a deux minutes, vous aviez dit que ma « gentillesse » était « touchante » !

— Tout le monde peut se tromper ! lui répondit-elle en haussant une nouvelle fois les épaules.

— Et en plus, elle est changeante comme la météo ! Ça promet !

 


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