Je te veux T8 : Toi. Uniquement toi – Chapitre 1

Je vous avais promis de vous l’offrir, en newsletter, en attendant d’avoir le reste. ❤︎

Attention ! Le chapitre est non corrigé ! 

©Jordane Cassidy – 2023


 

1

UNIS

 

 

Kaya ouvrit les yeux lentement. Une sensation de bien-être enveloppait son corps. Elle était dans sa chambre, dans son lit. Elle réalisa alors qu’elle n’avait aucun souvenir de comment elle avait atterri ici. Pourtant, très rapidement, elle sentit qu’elle n’était pas seule et sourit. Elle tourna légèrement la tête et comprit que le poids contre son dos était bien Ethan. Il la serrait dans ses bras et semblait dormir à poings fermés. Elle posa sa main sur la sienne, entourant sa taille, et sourit à nouveau. Pour la première fois depuis longtemps, elle était heureuse. Il n’y avait pas d’ombres entre eux, tout était paisible, empli d’une douceur chaleureuse qui lui faisait du bien. Elle regarda le soleil qui tentait de traverser les rideaux. Une légère bise passait à travers les fenêtres entrebâillées et déjà elle savait que cette journée allait s’annoncer chaude.

Ethan bougea soudain dans son dos et inspira un bon coup dans ses cheveux. Il sourit, heureux de trouver dans ses narines une odeur familière de shampooing.

— Coucou ! lui dit alors Kaya.

— Salut… répondit-il, la voix encore ensommeillée.

Il la serra un peu plus dans ses bras. Il adorait déjà son réveil.

— C’est bizarre, je n’ai pas souvenir d’être montée dans ma chambre ! lui avoue alors Kaya.

— Tu t’es endormie dans mes bras, lâcheuse ! Tu as compté trop d’étoiles visiblement. 

— C’est qu’on est bien dans tes bras !

— Je vois ça ! lui répondit-il en déposant un baiser sur sa joue.

— Pardon de m’être endormie… Tu as dû être déçu que je te laisse seul dans ta contemplation du ciel… Tu devais espérer qu’on finisse la nuit autrement.

Il glissa son visage contre sa nuque.

— Tout ce qui compte, c’est que tu sois dans mes bras. Le reste n’a pas d’importance.

— Tu ne vas pas jouer le mec gentil qui accepte tout, je te préviens !

Ethan gloussa dans son cou.

— Et pourtant, je suis heureux, je t’assure ! Tu voudrais que je t’impose des choses, en mode connard de premier niveau ?

— Tu vas me faire croire que tu n’avais pas en tête qu’on couche ensemble pour nos retrouvailles peut-être ?

— Aaaaaah ! soupira Ethan en réponse. Si tu savais tout ce que j’ai en tête !

Il se mit à rire alors et embrassa les cheveux de Kaya.

— Mais mon impatience de toi est compensée par mon bonheur de t’avoir enfin retrouver. Tu m’as tellement manqué que le peu que j’ai de toi est déjà un grand bonheur. Je préfère ça à ton absence nette et définitive dans ma vie.

Kaya se tourna face à lui et passa ses bras autour de sa taille pour blottir sa tête contre son torse.

— Moi aussi, je suis heureuse d’être avec toi.

Elle se déporta un peu vers son visage et déposa ensuite un baiser sur sa bouche. Ethan la contempla et lui caressa les cheveux. 

— Je veux passer ma vie à t’avoir dans mes bras, Kaya. Je te promets que je ferai tout pour être un mari irréprochable !

— Je n’en doute pas ! lui répondit-elle d’un petit sourire.

— Ah ? Donc c’est un oui ?

Kaya perdit son sourire devant l’air taquin, mais plein d’ambition de son amoureux.

— Non, ce n’est pas un oui.

— Kaya, tu vas m’obliger à passer à l’étape trois de mon plan !

— L’étape trois ? répéta-t-elle, tout à coup moins sûre de sa gentillesse.

— Je savais pertinemment que la première demande en mariage, serait retoquée par tes soins. La seconde, je m’en doutais également, tu es du genre têtue et ne cède jamais facilement. J’ai donc prévu le coup !

— Comment ça ? s’inquiéta tout à coup Kaya.

— J’en ai d’autres en stock, tout simplement. Je te ferai fléchir, Princesse ! Tu me diras oui tôt ou tard ! Peu importe le nombre de fois que je te demanderai en mariage, tu finiras par accepter !

L’oeil vif, Ethan sourit à Kaya, qui sentit déjà le duel usant s’annoncer pour résister à la tornade d’Ethan. Elle savait qu’il pouvait même enclencher son mode connard si c’était dans son intérêt et elle savait qu’à chaque refus, il se rapprocherait de cette voie. Elle soupira.

— Prépare-toi à une ribambelle de demandes en mariage, Princesse !

— Est-ce nécessaire ? Tu sais, deux demandes, c’est suffisant pour comprendre que tu veux passer à l’étape du mari. Je ne suis pas idiote !

— Non, tu ne l’es pas, effectivement ! Mais tu es bornée ! Avec toi, il faut insister !

— Je ne suis pas bornée ! 

— Si tu l’es !

— Non ! C’est toi qui t’obstines avec toutes tes demandes en mariage !

— Parce que tu refuses de dire oui du premier coup !

— J’ai encore le droit de dire non, il me semble !

— Oui, tout comme j’ai le droit de te demander en mariage autant de fois que je le souhaite !

Il lui décocha un large sourire auquel Kaya réagit par de l’agacement et le repoussa. Elle se leva alors du lit qu’elle contourna.

— Tu m’énerves ! Je vais faire pipi ! Attends-moi dans la cuisine, on va prendre le petit-déjeuner !

Ethan ricana tout en se laissa aller dans les draps avant de respirer un bon coup.

— Je t’aime, mon amour ! cria-t-il alors, amusé. Épouse-moi !

— Connard !

 

Il se leva à son tour, rassasié de cette salve de taquineries, et alla la retrouver dans le couloir à la sortie des toilettes. Il appuya son épaule contre le mur tout en croisant les bras et attendit sagement jusqu’à ce qu’elle apparaisse enfin devant lui.

— Chut ! lui ordonna Kaya, l’index levé en avertissement, après avoir refermé la porte des toilettes. Ne dis pas un mot !

Le sourire d’Ethan resta vissé sur son visage.

— Quel type d’alliance aimes-tu ? lui demanda-t-il, amusé.

Kaya râla tout en levant les yeux de désespoir face à l’irrécupérable et descendit au rez-de-chaussée. Ethan ferma les yeux avec ce goût merveilleux de la chamaillerie en bouche qui lui avait tant manqué. Il la rejoignit au bout de quelques minutes à la cuisine et s’assit sagement à la table. Après s’être lavé les mains, Kaya s’affaira à sortir tout ce qui pouvait faire office d’un petit déjeuner : confiture, miel, poudre cacao, jus d’orange, lait, brioche. La paume de la main sous son menton et le coude appuyé sur la table, Ethan la contempla en silence jusqu’à ce qu’elle se tourne vers lui.

— Que veux-tu manger pour le petit-déjeuner ? lui demanda-t-elle alors.

Ethan ne put s’empêcher de sourire.

— Toi, toute nue, sur la table, ça me va !

Kaya pencha la tête sur le côté, d’un air blasé.

— Je suis sérieuse ! lui répondit-elle, les mains sur les hanches.

— Moi aussi !

Il lui fit alors un signe de l’index pour lui signifier de venir près de lui. Kaya s’exécuta, bien que hésitante des suites qu’il souhaitait donner à cela. Il l’invita à s’asseoir à califourchon face à lui.

— Arrête de bouder ! lui somma gentiment Ethan, tout en embrassant le bout de son nez. J’ai besoin de te taquiner ! Ça aussi, ça m’a manqué !

— Je sais ! lui répondit Kaya d’une voix bougonne, tout en baissant les yeux. Mais tu m’énerves ! Tu as toujours la répartie pour gagner le duel.

— Hé hé ! J’avoue ! Ça sort tout seul ! Je suis tellement heureux de nos chamailleries que ça percute vite le cerveau, comme si un bouton s’enclenchait dès qu’il s’agit de te chercher la petite bête ! C’est tellement… jouissif !

Devant la mention de ce mot, Kaya esquissa un léger sourire et frappa légèrement son épaule.

— Je suis sûr que cela t’a manqué, à toi aussi ! lui chuchota-t-il alors, tout en cherchant à capter son regard.

Kaya le fixa alors et grimaça.

— Je préfère ça à ta tristesse… C’est sûr !

Elle posa ses mains sur son T-shirt, au niveau du torse, et caressa légèrement l’endroit où se trouvaient ses deux cicatrices, quand tout à coup, une idée angoissante lui traversa l’esprit.

— Rassure-moi… J’espère que, rongé par le désespoir, tu n’as pas recommencé durant cette année loin de moi ?!

Ethan regarda les mains de Kaya couvrant son torse et posa les siennes dessus.

— J’y ai songé plus d’une fois… Quand je ne supportais plus d’avoir un plâtre à la jambe, quand le détective m’a annoncé avoir fait chou blanc, quand ton absence devenait tellement lourde que ma poitrine brûlait…

Kaya serra les poings, consumée par la culpabilité. Ethan glissa alors leurs mains unies sous son T-shirt pour qu’elles le caressent, à même la peau. Elle en sentit les boursouflures et rugosités, et l’inquiétude la gagna un peu. Il posa alors son front contre la clavicule de Kaya.

— Je ne l’ai pas fait, Kaya ! Si je veux être digne de toi, te prouver que je peux être l’homme de ta vie et que tu peux compter sur moi, le premier des efforts que je devais fournir après ton départ était de respecter ma promesse de ne pas recommencer.

Les yeux de Kaya s’humidifièrent un peu.

— Je veux être l’homme sur qui tu puisses te reposer et non à propos de qui tu t’inquiètes parce que mentalement, ça ne va pas. Ton départ m’a fait comprendre combien je devais faire un gros travail sur moi pour ne plus que tu doutes de notre force à chacun à tenir debout et à résister aux bourrasques. 

— Ne crois pas que je n’aime pas tes faiblesses, Ethan ! lui répondit-elle alors d’une petite voix.

— Je sais ! Mes faiblesses sont aussi une partie de moi que je dois accepter pour avancer. Cependant…, elles sont aussi un frein à notre relation. Nous avons été séparés à cause d’elles et je ne veux pas que cela se reproduise. Alors je ne les ai pas touchées ! Je te le promets ! Tu veux voir ?

Il lui offrit un sourire coquin tout en faisant tressauter ses sourcils. Kaya ne put s’empêcher de sourire à son tour devant sa fierté d’être devenu plus solide mentalement. Aujourd’hui, il ne redoutait plus ni de les montrer ni qu’elle les touche. Il retira alors son t-shirt et le laissa tomber par terre. Avec mélancolie, Kaya posa sur ses deux cicatrices ses doigts qui les longèrent d’un bout à l’autre.

— Tout le reste de mon corps veut bien être aussi touché par tes doigts ! lui susurra-t-il alors à l’oreille.

— Tu veux que je pose mes mains partout sur toi ? lui demanda-t-elle pour confirmation.

Ethan gémit à cette idée aux airs familiers.

— Je suis tout à toi, ma Princesse. Touche-moi partout !

 

Elle passa alors une main derrière sa nuque et le massa. Ethan ferma les yeux un instant avant de sentir les lèvres de sa princesse sur les siennes. Il la serra alors dans ses bras et se laissa aller à effleurer avec plus ou moins de force les lèvres de Kaya. Cette dernière glissa sa main dans ses cheveux pendant que l’autre restait posée sur la joue d’Ethan. Leurs langues se mêlèrent encore et encore, tandis qu’Ethan baladait ses mains sous le T-shirt de sa belle. Elle se décala néanmoins et se baissa pour embrasser ses cicatrices lentement. Ethan observa attentivement les lèvres de Kaya adoucir ses tourments. Son coeur battait fort, mais ce n’était pas par peur ou appréhension. Aujourd’hui, c’était par amour. Il sentait combien cela lui faisait un bien fou qu’elle presse sa bouche contre son mal, tel un baume qui faisait disparaître toutes les souffrances du passé. Son attention fut pourtant vite déviée lorsqu’elle se mit à genoux et entreprit de descendre encore en lui retirant son short long et ses sous-vêtements. L’étonnement teintée d’une certaine inquiétude devant la charge émotionnelle qui allait suivre vint perturber les battements de son coeur.

— Kaya… Tu es sûre de… Oh putain ! Merde ! Oui, t’es sûre !

Il laissa tomber sa tête en arrière tout en savourant les caresses buccales de sa partenaire sur son sexe. L’émotion et le désir se mélangèrent et accentuèrent le rythme de sa respiration et de ses gémissements. Il posa ses doigts dans les cheveux de Kaya, ne sachant s’il devait calmer son ardeur ou la laisser continuer jusqu’à l’extase. Un dilemme qui heurtait sa conscience face à sa déraison. 

— Dis… Tu es sûre que je n’ai vraiment pas le droit de te dire «je t’aime» pendant un moment pareil ?

Il baissa les yeux vers Kaya, à genoux entre ses jambes. Elle faisait visiblement exprès de n’avoir rien entendu. Il sourit.

 — Épouse-moi, Kaya !

Immédiatement, Kaya se retira, choquée.

— Mais tu n’es pas croyable ! Tu ne peux pas me demander de t’épouser tout ça parce que je…

Elle montra son pénis au garde à vous et se mit à rougir. Il se mit à rire, fier de l’avoir encore prise au dépourvu.

— Je t’aime, mon amour ! Tu es la femme de ma vie !

— Ethaaan !

— Ben quoi ! C’est la vérité ! Et pas uniquement parce que tu me dévores tout cru !

— Je ne te dévore, je te…

Kaya se cacha le visage de ses mains, rouge de honte.

— Sous la douche ou dans la cuisine, n’importe où tu me feras de jolies gâteries, Kaya, je te promettrai la lune et te couvrirai de mots doux. Comment veux-tu qu’il n’en soit pas ainsi ?!

— Tu m’as coupé dans mon élan… Ne me regarde pas !

Ethan ricana, attendri par son attitude mignonne.

— Très bien ! C’est l’heure du petit-déjeuner ! s’exclama-t-il soudain.

Il la releva alors et la déposa, les fesses sur la table. Surprise de cette initiative, Kaya ne sut comment réagir à cette annonce. Sans attendre, Ethan souleva le long T-shirt de Kaya et le lui retira à son tour. Il l’obligea à s’allonger sur la table, au milieu de ce qui allait composer son repas. Il badigeonna alors ses seins d’un coup de cuillère dans le pot de confiture de fraise. Kaya se raidit devant la fraîcheur de l’aliment sur ses tétons.

— La fraise… Sur le corps d’une femme…

Il lui sourit alors, cherchant à vérifier si cette allusion faisait écho à Kaya.

— De ma femme ! se reprit-il, tout sourire. Tu sais le sucré et l’acidité… J’adore !

Il grogna d’avance de plaisir. Il prit ensuite le pot de miel et laissa le liquide couler le long de son ventre jusqu’à ses poils pubiens. Le regard carnassier d’Ethan fit augmenter l’appréhension de Kaya. Il prit ensuite une tranche de brioche et en mis un morceau dans la bouche de Kaya puis un dans la sienne tout en lui faisant un clin d’oeil avant de se saisir d’un de ses tétons. Kaya eut un sursaut de surprise à son mordillement léger au passage. Il avala ensuite le tout et inspira de satisfaction.

—J’adore prendre le petit-dej’ avec toi, chérie ! Cela a un goût particulier de reviens-y tout à fait hypnotique !

Il plongea aussitôt sur le second téton enrobé de confiture de fraise qu’il lécha, aspira et tortura un moment avant de gémir. Kaya ferma les yeux et se laissa aller volontiers à ses supplices. Si telle devait être sa punition pour l’avoir quitté, alors elle l’acceptait. Le châtiment était à la hauteur de son amant. Finalement, elle était heureuse de s’être endormie dans ses bras la veille pour commencer la matinée de telle manière. Elle sourit alors. Tandis qu’Ethan se léchait les lèvres pour ôter les dernières traces de confiture, elle se saisit de son index qu’elle plongea dans le pot de confiture, puis le mis à son doigt tout en le défiant du regard. Ethan bloqua alors sur son index qui coulissait désormais dans la bouche de sa belle.

— J’aurais peut-être dû te laisser un peu plus jouer avec…

Il lança un regard vers son sexe.

— Il n’y a pas de raison que tu sois le seul à prendre ton petit-déjeuner ! lui rétorqua-t-elle, provocatrice.

 

Sans attendre, il fonça sur ses lèvres, l’écrasant de tout son poids et étalant le miel sur leurs deux ventres. Le baiser était fougueux, avide. Leurs langues se retrouvaient à nouveau pour ne faire qu’une. Leurs mains dévalèrent les centimètres de peau de l’autre, friandes de s’approprier le corps convoité. Le désir décupla instantanément. Leur respiration s’emballa. Leur amour pour l’autre s’exprimait enfin concrètement. L’ardeur d’Ethan à embrasser sa petite amie ne trouvait plus de limites. Il pouvait enfin exprimer ce qu’il retenait depuis un an en lui. Leurs salives coulaient du coin de leur bouche, incapables de maîtriser le bouillonnement fébrile qui les rattrapait et les noyait en une vague de chaleur volcanique. Sans plus de cérémonie, Ethan quitta la bouche de Kaya et laissa traîner sa langue sur son ventre, accumulant le miel dessus avant de revenir dans la bouche de Kaya pour partager sa récolte que cette dernière accepta sans résistance. Leur baiser au goût de miel les fit sourire, aimant cette complicité naissant de trois fois rien. Telle une abeille, Ethan recommença son expédition et récolta sur sa langue son butin sucré sur le ventre de Kaya, mais au lieu de lui redonner une partie de sa moisson, il descendit un peu plus bas pour s’attarder entre les cuisses de son amante. Kaya lâcha un spasme de surprise en sentant sa langue taquiner son clitoris avant de gémir et se cambrer pour lui donner le meilleur accès possible. Ethan la lécha encore et encore, cherchant le geste, la posture, le mouvement pouvant la faire décoller et atteindre l’orgasme, mais ce fut le rythme de plus en plus saccadé de sa respiration qui lui indiqua qu’il était proche du point culminant.

Kaya se tordit dans un spasme d’extase exprimé dans un gémissement étranglé par le plaisir. La contempler ainsi, livrée entièrement à lui et à ce qu’il voulait bien faire d’elle, exacerba davantage le désir propre d’Ethan à la faire sienne.

— Viens vite ! lui murmura-t-elle alors.

Il se redressa alors et la pénétra. Une immersion aux allures de retour au bercail lui faisant un bien immense. Kaya se cambra encore, offerte à ses coups de reins. Les yeux brillants de désir, Ethan glissa ses bras sous les genoux de Kaya pour mieux la ramener à lui à chaque coup de reins. 

— Dommage ! Je n’ai pas de chantilly ! lui chuchota-t-elle.

— Tu mériterais plutôt une punition pour avoir osé sortir le cacao alors que je déteste le chocolat !

— Oups !

Tout à coup, Ethan se retira et la redressa pour changer de position et la prendre en levrette debout. Il plaqua son ventre contre la table et retourna à la charge. Le changement de position leur offrit une nouvelle sensation qui grisa Ethan. Les coups s’enchaînèrent à nouveau. Il se pencha sur elle au bout de quelques minutes.

— Peut-être que je devrais arrêter… C’est peut-être trop d’un coup à tes yeux ?!

— Dis plutôt que tu cherches une excuse pour ne pas craquer trop rapidement.

Ethan se redressa et claqua une de ses fesses en réponse.

— Aaahooo ! cria Kaya, sous la légère brûlure que la claque lui avait laissé sur la peau.

— Impertinente ! Sais-tu que je compte faire cela toute la journée ? J’ai des mois d’abstinence à rattraper, je te rappelle !

Kaya tourna la tête pour voir le visage de son amant par-dessus son épaule et vérifier s’il plaisantait, puis regarda à nouveau les aliments autour d’elle.

— Il va peut-être falloir sortir plus de carburant dans ce cas !

Un énorme sourire se dessina sur le visage d’Ethan.

— Et en plus, elle ne dit pas non ! Putain, Kaya, épouse-moi !

LOMCTR T3 : Le coeur ou la raison – chapitre 1

Ils sont de retour !

 

Souvenez-vous ! Callum a découvert qu’il avait un démon légendaire en lui, Noctis, et Aélis porte en elle la Protectrice, l’ennemie jurée de Noctis. 

Aélis doit, malgré ces révélations, partir au chevet de sa mère malade à Piléa.

 

©Jordane Cassidy – 2023


=> Chapitre 2


 

 

1

 

Déterrer des souvenirs.

 

 

 

Il y a trois ans…

 

— Votre Majesté, au rapport !

Le Roi Mildegarde regarda son lieutenant de travers.

— J’espère que les raisons qui vous conduisent à me déranger en plein repas avec la famille royale sont pertinentes, Lieutenant Gomi.

Le lieutenant s’inclina devant la famille royale.

— Je suis désolé de vous déranger, mais je dois vous informer d’un fait grave.

— Un fait grave ? Rien que ça ?! 

— Nous avons essuyé une attaque, Votre Majesté ! Les geôles ont été partiellement détruites.

Hélix Mildegarde s’interrompit tandis qu’il essayait d’arracher la chair d’un pilon de poulet avec ses dents. Il le posa alors dans son assiette en silence et s’essuya les mains, puis la bouche, à présent tout à son écoute.

— Comment ?!

— Des prisonniers ont pris la fuite, à la suite d’une intrusion.

Dans un geste brusque, le Roi se leva de son siège.

— Qui a osé attaquer la prison ?! s’exclama-t-il alors, dans un cri de colère.

— D’après les premières informations recueillies, il semblerait qu’un chevalier magique se soit infiltré dans les geôles et qu’il ait semé le chaos au milieu des gardiens et des prisonniers. Je suis désolé. J’ai manqué à ma mission, Votre Majesté. Je devais en assurer la sécurité, mais je n’étais pas présent au moment de l’attaque. Je pense que tout était prévu pour parvenir à la réussite de cette attaque, y compris de connaître mon emploi du temps…

Le soldat s’agenouilla, se mettant à la merci du châtiment du Roi. Cependant, Hélix Mildegarde ne s’attarda pas sur la culpabilité de son lieutenant en charge de la prison d’Avéna.

— Un chevalier magique, tu dis ? Sa description ?! lui ordonna alors le Roi.

— D’après les prisonniers qui ont préféré rester de peur des représailles plutôt que de s’enfuir, ce serait un homme d’une cinquantaine d’années avec des lunettes.

— Un chevalier à lunettes, tu dis ?…

Hélix Mildegarde se rassit pour réfléchir et trouver qui, à sa connaissance, pouvait correspondre à ce descriptif. Il n’y avait pas des milliers de chevaliers magiques au royaume.

— Il semblerait que son pouvoir magique soit de type… aqueux.

Le Roi écarquilla les yeux, devinant soudain l’identité du chevalier. Il releva la tête vers son soldat, la mine plus inquiète. Son lieutenant ferma un instant les yeux avant de les rouvrir pour annoncer l’objectif de cet assaut contre la prison.

— Il est venu libérer votre frère, Gésar Mildegarde. Il s’est enfui avec lui.

Les yeux d’Hélix Mildegarde s’assombrirent. Il ferma le poing et serra ses doigts de toutes ses forces, de rage.

— Maudit sois-tu… Khan !

 

 

Aujourd’hui…

 

 

Hélix Mildegarde contempla sa chevalière d’un air songeur. Un souvenir lui revint en mémoire… Ils avaient huit et onze ans à l’époque.

 

« — Hé ! Hélix ! Regarde ce que j’ai appris ! déclara Gésar, les pupilles brillantes.

Hélix regarda son grand frère en coup de vent avant de se replonger dans ses livres.

— Merveilleux coup d’épée ! lui déclara-t-il d’un ton monotone.

— Contemple-le bien ! Il va servir le royaume bientôt ! se gaussa Gésar. Père a dit que j’irai bientôt combattre avec les troupes royales.

— Réjouissant !

— Arrête d’être cynique et sors un peu de tes livres, Hélix !

— Les livres sont aussi d’excellents outils pour gagner un territoire ! Tu devrais en lire, futur Roi !

— Et toi, tu devrais prendre aussi une épée pour protéger ton futur Roi !

— Il saura se défendre sans moi ! Regarde le magnifique geste qu’il vient d’apprendre !

— Fais le malin ! Tu verras ! Père sera fier de moi ! Je veux être son digne successeur ! Et tu seras mon premier conseiller, Hélix !

— Je n’attends que ça ! lui répondit Hélix avec ironie.

— Un jour, j’hériterai de la chevalière de Père ! Il m’a promis qu’il me la donnerait le jour de la succession. Je suis après tout le fils héritier du trône !

Hélix souffla, dépité par tant de futilités à ses yeux.

— Tout ça pour une bague… Il y a tellement d’autres choses à découvrir que la guerre et la gouvernance d’un royaume.

— Pourquoi n’aimes-tu pas l’idée d’être Roi, frangin ?

— Parce que l’on n’est jamais en paix !

Hélix ferma son livre et le quitta.

— Je t’apporterai la paix ! Je te le promets, Hélix ! »

 

 

Hélix souffla à ce souvenir.

— Tu parles ! Tu ne m’amènes que des ennuis ! 

Un soldat vint alors le trouver dans la grande salle du trône.

— Votre Majesté ! Au rapport !

— Sempiternelle phrase… Parle !

— Nous n’avons toujours aucune trace de Messire Gésar ni du chevalier magique Khan. Il semble que leur activité soit discrète depuis le mariage du Duc Callistar. Nous n’avons pas eu d’autres vols de pierres depuis ni eu vent d’attaques d’un chevalier avec le descriptif du chevalier Khan.

Hélix contempla à nouveau cette fameuse chevalière à son doigt, héritée de leur père, d’un air songeur.

— Que comptes-tu faire, mon frère, maintenant que tu as le corps d’Ilina ? À quoi cela t’avance-t-il de le récupérer ?

Un grand livre se referma dans un amas de poussière. Le Grand Gardien soupira, agacé de ne pas trouver plus d’informations sur Noctis.

— Alors ? Toujours rien ?

Kizo apparut sur le pas de la porte de son bureau.

— Non… Je n’ai aucun témoignage stipulant que ce démon ait déjà pris possession d’un corps.

— Je suis sûr qu’il y a un moyen d’inverser cette possession et de rendre à Callum l’entière propriété de son corps ! l’encouragea Kizo, optimiste. Peut-être devrions-nous nous pencher sur des cas de possession de démon de niveau plus faible et adapter une formule pour ce démon et sur l’exorcisme.

— C’est une idée… Séparer le démon de Callum Callistar nous permettrait de gagner un soldat contre ce démon. Après tout, Callum est un chevalier émérite. Cependant, j’ai aussi l’intime conviction que l’en séparer ne serait pas judicieux pour l’hôte.

— Tu crains que la séparation se passe mal et que Callum en paie le prix fort, et nous aussi ?

— Oui. Le démon pourrait altérer le corps de Callum s’il sent qu’on tente de l’en séparer.

— Alors, pourquoi chercher des témoignages de possession dans ces livres ?

— Nous avons une théorie sur cette possession avec le Roi Mildegarde. Nous pensons que Callum a ce démon depuis la naissance. Il a toujours manifesté ce déséquilibre des forces en lui entre le Bien et le Mal. Partant de ce principe, si ce démon est présent depuis sa naissance, cela peut donc signifier que c’est la mère de Callum qui aurait pactisé avec le démon lors de la grossesse.

— Sa mère ? Mais…, on ignore qui c’est ! Il a toujours été orphelin. Et pourquoi offrir son fils à un démon ?

— Pour tout te dire, Kizo, la vérité sur les origines de Callum a été cachée par le Roi volontairement, et aujourd’hui, tant que nous ne savons pas ce qu’il s’est réellement passé avec sa mère, nous devons conserver ce secret.

 

Kizo le fixa gravement.

— Pourquoi conserver un tel secret ? Qu’y a-t-il d’important à cacher dans les origines de Callum ?

Le Grand Gardien sourit avec amertume. 

— Certainement qu’il y a des souvenirs du passé que le Roi a préféré enterrer, pour le bien de tous…

— Effectivement, vu les dernières révélations, la vie de Callum Callistar semble bien compliquée !

— Et elle peut l’être encore plus selon ce que nous garderons pour nous et ce qui se révèlera à lui. La question est donc de savoir si cette possession a été volontaire ou involontaire de la part de sa mère. Soit elle a convoqué le démon pour qu’il interfère d’une quelconque manière et Callum risque de mal accepter cette issue, soit elle l’a rencontré par hasard et c’est lui qui s’est servi de sa grossesse pour répondre à des desseins plus troubles. Dans ce cas, Callum pourra l’admettre plus facilement comme une fatalité.

— Dans tous les cas, quelle tristesse si cette possession date réellement de cette période !

Kizo ne cacha pas sa compassion pour cette femme inconnue qui avait dû beaucoup souffrir aussi.

— Quel sentiment a pu éprouver cette mère lorsque le démon s’est réfugié dans son ventre ?

Le Grand Gardien contempla le livre qu’il venait de refermer avec amertume. 

— La tristesse d’une mère n’a d’égale que celle de son fils orphelin aujourd’hui…

Cléry referma un vieux livre emprunté au Conseil Magique concernant la Protectrice. Il avait ainsi un peu plus d’éléments sur les attentes du Grand Gardien la concernant. Elle était un symbole du Bien, une légende, elle aussi. Il comprenait combien la réapparition de la Protectrice avait une importance dans la lutte du pouvoir contre le Mal. Il soupira et se décida à ouvrir les portes de l’église, avec sérénité.  En cette matinée, le soleil était au rendez-vous et l’air frais du matin annonçait un redoux évident pour la journée. Pourtant, quelle ne fut pas sa surprise en trouvant le responsable du cimetière devant lui, attendant l’ouverture des prières en ce lieu saint.

— Bonjour Monsieur Ratule. Les bras du Seigneur sont grands ouverts pour vous !

Il lui céda le passage devant l’entrée de l’église et l’homme entra, le visage visiblement tracassé. Sans un mot, Monsieur Ratule le salua d’un signe de tête et se dirigea vers le confessionnal, après avoir fait un signe de croix devant l’autel. Cléry soupira, navré de voir combien ses fidèles pouvaient trouver autant de tracas dans leur quotidien, au point de chercher une aide religieuse dès la première heure de la matinée. Il sourit finalement. Sa mission était de les soulager, peu importe l’heure. Il se dirigea donc à sa suite en silence et s’installa dans la partie du confessionnal dédiée à l’homme d’Église.

— Mon Père, je viens à vous, car le poids de ma culpabilité me ronge depuis trop de temps. J’ai péché d’orgueil et de paresse.

— Que vous arrive-t-il, mon fils, pour vous accabler à ce point d’une culpabilité ?

— J’ai caché un fait important à la communauté et à notre Duc. J’ai manqué à mes devoirs par simple orgueil, pour un fait outrageant pouvant avoir des conséquences…

Cléry sentit l’homme très mal à l’aise, inquiet.

 — Je vous écoute.

— J’ai découvert qu’une tombe a été profanée…, le jour du mariage du Duc. Le cercueil avait disparu… Dans un élan de panique, j’ai recouvert le trou et j’ai fait comme si rien ne s’était passé. J’avais peur qu’on me juge d’incapable. Je suis après tout le gardien du cimetière. C’est mon rôle de surveiller les tombes. Si l’une d’elles est endommagée, la responsabilité me sera incombée et… pour ce cas, j’ai pris peur en réalisant les répercussions sur mon avenir. Seulement…, plusieurs semaines après, la terre a de nouveau été remuée et là, j’ai complètement paniqué. Peut-être que quelqu’un a su que j’avais tu cet outrage. Peut-être qu’on essaie de me faire peur… Peut-être que c’est « Elle » qui revient me hanter ! Je ne dors plus ! Elle va venir emporter mon esprit en enfer !

Le gardien du cimetière s’attrapa les cheveux dans un geste de démence.

— Calmez-vous, mon enfant. Vous dites qu’une tombe a été saccagée ? Vous savez, si votre culpabilité d’avoir délibérément omis de le signaler est effective, la culpabilité de celui qui a troublé le sommeil de nos morts l’est encore plus. On ne sort pas nos morts du repos éternel. C’est un blasphème. Le Seigneur sera beaucoup moins clément envers cette personne. La question est de savoir pourquoi on s’attaquerait à une tombe, à deux reprises. Peut-être serait-il judicieux de déposer une plainte pour lancer une enquête ?

— Mais s’il y a enquête, je vais être puni par le Duc ! Je ne voulais pas déranger le Duc dans son bonheur de nouveau marié avec une telle affaire et ensuite, je me suis dit que c’était trop tard. Maintenant, je me rends compte que j’ai compromis autant de preuves que d’espoir de résoudre cette énigme à cause de ma faiblesse !

— Il n’est jamais trop tard pour réparer ses erreurs ! rétorqua d’un ton sûr le prêtre. Dites-moi, vous avez dit « elle va revenir me hanter… », de qui parliez-vous ?

— Il ne s’agit pas de n’importe quelle tombe… C’est celle de l’ancienne Duchesse d’Althéa : Dame Averhill !

— L’ancienne Duchesse d’Althéa ? répéta alors Cléry, surpris et songeur.

— Oui… Comment peut-on commettre un tel sacrilège le jour où une nouvelle Duchesse doit prendre la gouvernance de la cité ? Qui peut vouloir infliger un tel affront au Duc le jour de son mariage ?

Cléry resta tout aussi abasourdi par cette annonce.

— Déjà qu’il a dû essuyer cette attaque en pleine cérémonie… continua le gardien du cimetière, désolé.

Cléry écarquilla les yeux et une hypothèse traversa son esprit. La coïncidence semblait grosse, mais en même temps…

Il sortit alors du confessionnal et se montra à Monsieur Ratule.

— Montrez-moi la tombe ! Immédiatement !

— Mais… ? Et ma repentance ?

— Le Seigneur verra en vous un premier pas vers le pardon si vous me conduisez à cette tombe !

 

 

Le gardien le guida à travers les rangées de tombes jusqu’à apercevoir au fond du cimetière une grande stèle surplombant les autres. Cléry fronça les sourcils et se hâta. 

— La voici ! lui déclara l’homme. Son père, le Duc Averhill, est juste à côté.

Cléry remarqua alors la différence immédiate de traitement de faveur entre les deux tombes. Si la tombe de la Duchesse était majestueuse et indiquait volontairement la mise en avant de la personne qu’était cette femme, celle du Duc était discrète, sans ornements. Il contempla les épitaphes. La Duchesse était morte il y a vingt-cinq ans. Le Duc il y a treize ans.

— Pauvre homme…, commenta alors le gardien du cimetière. Il aimait tellement sa fille. Il ne s’est jamais remis de son décès. Déjà, la disparition de son épouse l’avait profondément meurtri, celui de sa fille l’a achevé…

— Comment est-elle morte ? J’avoue ignorer l’histoire d’Althéa.

— En couche ! Ni le bébé ni elle, n’ont survécu. Ce fut un traumatisme incurable pour son père. Il aurait tout donné pour elle.

— Cela se voit. Il suffit de comparer les deux tombes. 

— Il ne voulait pas d’un caveau familial où il aurait pu la rejoindre. Il se sentait responsable de sa mort et estimait qu’il ne méritait pas les mêmes égards. Alors il s’est contenté d’un enterrement sobre à ses côtés. Il voulait qu’elle marque davantage les esprits que lui. Peut-être une façon de la faire exister encore maintenant aux yeux des gens. Quand ils viennent ici, ils la voient. Elle ne passe pas inaperçue.

 

Cléry s’agenouilla et toucha la terre. Il examina bien le lieu, puis visa le type de chaussure du gardien en correspondance avec les traces de pas légèrement effacées dans un coin de la tombe.

— Des bottes de soldats…

— Plait-il ?

— Il y a des empreintes partielles ici.

Il les montra au gardien qui observa plus attentivement le sol.

— Pour en avoir vu beaucoup sur le champ de bataille, ce sont des empreintes de bottes de soldats. L’armure et les bottes rendent le pas plus lourd. Il n’y a pas de crampons ayant emporté la terre. Les bottes de soldats en sont dépourvues, justement pour éviter de rendre l’armure plus lourde encore…

— Vous êtes en train de dire que ce serait peut-être la garde royale ?

— Pas forcément. Cela peut être un groupe de mercenaires aussi, mais l’armée royale était là, le jour du mariage. Cela reste plausible dans les deux cas. La question est de savoir qui était là la première fois, le jour du mariage, et qui est venu la seconde fois, lorsque vous avez remarqué que la terre a été à nouveau retournée ?

— Pour des mercenaires, l’hypothèse tient la route, mais pour la garde royale ? Pourquoi la garde royale ferait…

 

Le gardien s’interrompit dans sa réflexion et écarquilla les yeux. Cléry commençait à creuser de ses mains la tombe.

— Que faites-vous ? Vous n’allez pas, vous aussi… ?

— Vous n’avez pas vérifié si le cercueil a été remis en place, je parie ?

— N… non…

— Vérifions ! Cela confirmera l’hypothèse que quelqu’un est venu vérifier le vol du cercueil, avant nous !

 

Je te veux ! T8 : Où en sommes-nous ???

Voilà une question qui revient régulièrement, cela après un an de la sortie du T7.

Je viens donc faire le point avec vous concernant la fin de la saga.

 

Mon mood autour de JTV

 

Voilà un an que le T7 de JTV est sorti et bien sûr, la deadline d’un tome par an arrive donc. Beaucoup espèrent donc une annonce prochainement. Avant toute chose, j’aimerais vous parler de mon humeur qui a traversé cette année post-JTV7…

J’ai fini le travail de JTV7 dans un état psychologique assez compliqué. Tout d’abord, comme après chaque tome de JTV, je suis lessivée. C’est assez bizarre, mais je n’ai pas une telle fatigue après l’écriture de mes autres histoires. Du moins, ce n’est pas une fatigue aussi poussée. Je te veux ! est une saga qui est psychologiquement assez compliquée à écrire, mais c’est aussi, je pense, l’histoire qui me donne le plus de pression. Parce que c’est ma première saga, c’est aussi votre première saga pour la plupart d’entre vous. En gros, je n’ai pas envie de me rater sur son écriture en sachant l’attente derrière depuis tant d’années. C’est aussi mon plus gros projet. 8 tomes, ce n’est pas rien ! Au-delà de la charge de boulot, cela demande une persévérance et une conviction sans faille que j’ai dû assumer durant toutes ses années. certs, je l’ai voulu ! Mais cela reste un projet très ambitieux au final pour lequel je n’avais pas prévu ce tel déploiement.

Cette pression, je l’ai eu x 10 avec JTV7. C’est l’avant-dernier tome, mais c’est aussi le début du dénouement de l’histoire d’Ethan et Kaya, et des portes commencent à se refermer, des questions trouvent des réponses, des hésitations trouvent un aboutissement vers une certitude inébranlable. Et par-dessus tout, c’est le tome qui a évoqué deux gros points : l’état psychologique d’Ethan à travers le docteur Courtois et bien sûr la demande en mariage d’Ethan. Je ne voulais pas me rater sur ces deux points très importants dans l’histoire de nos deux zigotos et vous décevoir. La demande en mariage devait être LE point culminant que tout le monde attendait, mais façon M. Connard. Donc, il fallait qu’elle soit fidèle au caractère d’Ethan. Cela a donc été beaucoup de questionnements de ma part, malgré mes certitudes sur la direction que je voulais prendre. Je voulais qu’à la lecture, on comprenne tout le chemin psychologique d’Ethan, mais aussi tout ce que représente leur relation.

 

Cette appréhension s’est amplifiée avec le passage à la bêta lecture. Pour être honnête, cela ne s’est pas très bien passé. Les filles ont relevé davantage le négatif de chaque chose que tout le positif de ce tome, ou bien elles n’ont pas réagi du tout aux moments que j’attendais. J’ai ressenti un gros décalage entre ma vision du roman et la leur. Je me suis donc encore plus interrogée sur ma vision de la romance, sur ce qui était bien ou non dedans, sur la finalité à donner à tout cela si je devais tout changer. Résultat, j’étais à deux doigts de ne rien publier du tout, tellement j’étais déçue et perdue. Des heures de travail remises en doute en quelques heures de lecture…. On en a bien sûr parlé entre nous, on s’est expliqué en prenant en compte le caractère de chacune, mais une blessure s’est toutefois ouverte même si aujourd’hui, tout est plus ou moins rétablie. Les rouages de notre collaboration ont été impactés assez fortement et la dream team que nous formons depuis le début s’est fissuré. Il a donc dû falloir colmaté tout ça pour repartir sur de nouvelles bases.

Cette blessure s’est transformée en blocage de mon côté. La sortie de JTV7 a été une sortie que j’ai vécu en demi-teinte. Déjà, de mon côté, parce que mon moral était passable. Outre le travail éditorial compliqué, j’ai perdu mon chat qui m’accompagnait depuis 18 ans. J’ai dû la faire euthanasier. Ce fut dur aussi parce que beaucoup de lectrices ne l’ont pas acheté, attendant peut-être le dernier tome pour tout lire. Mon moral était donc un peu plus descendu, car j’ai eu l’impression de me prendre la tête avec cette histoire pour pas grand-chose finalement. Rien allait comme je le voulais. Autant dire que je n’avais pas envie de commencer l’écriture de JTV8 dans la foulée, malgré les bons retours de celles qui l’ont lu et qui m’ont conforté sur mes choix scénaristiques.

 

C’est aussi la raison pour laquelle je me suis lancée dans l’écriture de Là où mon coeur te retrouvera… durant la même période. Cela m’a fait un bien fou. Pas de pression, car c’était une toute nouvelle histoire et que je n’avais aucune idée de votre réaction, mais aussi parce que je partais loin de la contemporaine en explorant la romance fantasy. Une telle bouffée d’oxygène qui m’a permis d’écrire les deux premiers tomes en 6 mois !

En vérité, mon blocage ne vient pas des histoires que j’ai en tête. L’imagination a toujours été foisonnante chez moi. Le scénario de JTV8 était déjà bien défini dans ma tête. C’est ce qui se passe autour qui peut vite me parasiter l’esprit et faire évoluer mon humeur négativement. Et ce blocage autour de JTV8 a perduré. J’ai tenté durant les grandes vacances 2022 de commencer le T8, mais je n’arrivais pas à écrire le chapitre 1. En général, je n’ai aucun souci avec mes 1ers chapitres d’histoire. J’ai un tel besoin de déverser, que ça coule tout seul sur le clavier. Pour JTV8, malgré mon idée bien précise de ce que j’espérais écrire, je n’y arrivais pas. J’écrivais, j’effaçais, j’écrivais, j’effaçais. J’ai donc mis à nouveau JTV8 de côté et je me suis consacrée durant ces grandes vacances à reprendre Be my Baby ! Là encore, j’ai déroulé, notamment pendant mes 15 jours au pays basque et j’ai écrit les chapitres que vous lisez actuellement sur Fyctia.

Puis à la rentrée, j’ai retenté JTV8 et même topo. JTV8 amène une pression supplémentaire, car c’est le tome ultime où tout doit se finir bien et où rien ne doit être bâclée. Les derniers gros points noirs doivent être percés et une fois encore, me replonger dans Je te veux ! me coûte psychologiquement au regard de ce que j’ai vécu avec le T7. L’appréhension grandit, me bouffe et je n’arrive pas à agencer mes phrases, à développer la mélodie de cette histoire. Je me plonge donc dans la sortie de Là où mon coeur te retrouvera… Même si ma romance fantasy est boudée par certaines et enfonce un peu plus mon désarroi autour de mes écrits, je prends plaisir à développer cette histoire. L’aide et le travail de Thierry autour des couvertures me permet de me dire que c’est un projet hors norme et donc que cette nouveauté doit prendre le temps de s’installer. Elle commence à effectivement prendre sa place comme oeuvre de Jordane cassidy et me présente à présent comme auteur de romance multi sous-genres. Aller trouver un nouveau lectorat m’a pris toute la fin d’année et tout ce début d’année 2023. Petit à petit, j’arrive à convaincre à tenter cette aventure et un lectorat parallèle commence à apparaître.

Et nous voilà aujourd’hui en mars, au un an de JTV7 !

 

 

Où en est-on dans JTV8 ?

 

Vous l’avez compris, JTV8 n’est pas en travail éditorial pour l’instant. Aucune date de sortie ne se profile vraiment.

Fin 2022 début 2023, j’ai écrit la moitié du T3 de Là où mon coeur te retrouvera…

Be my Baby ! est sorti parallèlement sur Fyctia et j’ai jonglé entre les deux manuscrits.

Be my Baby ! a cet avantage de m’aider à renouer un peu avec la romance contemporaine. Avant les vacances de février, j’ai commencé à reprendre la mise en page de JTV1, 2, 3, 4 de la version papier qui n’était plus à la vente depuis une bonne année en librairie. Ce travail est toujours en cours. Il a le mérite également de me faire revenir vers JTV pour tenter de « faire la paix » avec cette histoire qui me refroidissait et de me raccrocher au positif de cette romance. La mise en page me permet de traquer quelques coquilles et de tomber sur des moments, des phrases et des mots qui me font sourire. Reprendre ces moments pour me rappeler pourquoi j’écris cette romance m’a poussé à me poser à nouveau devant le chapitre 1 de JTV8. 

La bonne nouvelle de cet article, c’est que j’ai réussi à passer outre ce blocage. Le chapitre 1 est fini. J’ai déroulé le chapitre 2 sans souci. Le chapitre 3 est en cours. Je renoue doucement avec mes personnages. J’ignore le temps que ça va me prendre pour tout écrire, d’autant que j’ai les deux autres histoires qui sont aussi sur les rails. Je ne cherche pas à me mettre de deadline pour le moment. C’est trop fébrile pour l’instant pour dire que je suis complètement lancée dedans. Cependant, je suis enfin entrée dans un bon mood pour l’écrire. L’essentiel est que j’avance enfin sur ce manuscrit. Je crois que j’ai besoin de ce temps de gestation pour aussi apprécier l’écriture de cette fin et dire au revoir à mes personnages fétiches. J’ai besoin d’une bulle sans « parasitage » autour pour retrouver cette osmose avec cette histoire et clôturer cette romance sereinement. À la fin de l’année, je fêterai les 10 ans de JTV. Dix ans, ce n’est pas rien dans une vie. 

 

J’espère que vous n’êtes pas trop déçues. Je vous tiendrai de l’avancée au fur et à mesure de l’année. J’ai deux trois annonces en stock à vous dire concernant ce tome. J’espère pouvoir y mettre un gros coup d’accélérateur sur les prochains mois pour une sortie pour les dix ans de l’écriture des premiers mots sur mon clavier. Une façon de boucler la boucle de façon apaisée…

 

Jordane

 

 

Je participe à un concours !

C’est un 10, mais…

 

Hello !

Voilà une des nouveautés de 2023 !

Alors oui, cela risque d’en surprendre plus d’un. Très honnêtement, si j’aime l’univers de la fanfiction pour le fait de faire lire son histoire au fur et à mesure, je suis moins fan du système du concours. En fait, je souhaite renouer un peu avec mes premiers amours. J’ai commencé l’écriture avec la fanfiction il y a 14 ans et je voulais un peu retrouver l’engouement de la lecture chapitre après chapitre. 

Aujourd’hui, il y a quelques plateformes d’écriture qui le permettent, mais celle que j’attends n’est pas encore disponible en France. Donc, pour plus de pertinence à trouver des lecteurs, je mise sur Fyctia. Enfin, c’est vite dit, car si ce concours fête les dix ans de la New Romance, cela indique aussi bon nombre de participants. Et là, c’est un univers que je découvre et qui est un peu à mille lieux de moi… 

 

Comment ça marche ?

 
Je poste un chapitre, le lecteur like, au bout de tant de likes, je peux débloquer un nouveau chapitre. Et bien sûr, plus il y a de chapitres, plus le nombre de likes à valider augmente.

Vous avez compris l’enjeu : plus il y a une communauté derrière, plus l’histoire avance. Tout ce que je déteste ! 🙄 Il est aisé de deviner qu’un quatre mains peut rassembler plus de monde si les deux auteurs en collaboration ont déjà chacun une communauté. Il est évident qu’en proposant une nouvelle fois un texte qui a déjà concouru, les lecteurs vont revenir pour obtenir la suite. Il est clair que celui qui part sans communauté a un gros handicap. Bref ! Je ne suis pas fan du système , mais c’est ainsi qu’ils départagent les participants. Et comme je ne suis pas une fana du relationnel, hypersensibilité oblige, je doute de courir après tout le monde pour qu’on me mette un pouce ! Il va falloir partager si vous voulez la suite !

 
Alors pourquoi je le tente quand même ?

Eh bien, il y a possibilité de demander un déblocage au bout d’une semaine à la plateforme. Je ne compte pas me mettre la pression pour poster rapidement de nouveaux chapitres. Je vais jouer le jeu, mais je ne vais pas non plus m’investir à fond dans ce concours pour la simple et bonne raison que j’ai d’autres projets à côté : JTV8 et LOMCTR3. Je ferai ce qu’il faudra en postant entre un et trois chapitres par semaine ( les conditions du concours imposent des chapitres très courts, donc mes chapitres seront divisés par deux ou par trois, ce qui me laisse un peu d’avance ), mais je ne cours pas après la gagne de ce concours. D’ailleurs, je n’ai pas le manuscrit ultra avancé, donc ça risque de vite ralentir niveau nouveaux chapitres ! Si ça marche tant mieux, si ça capote, j’aurais essayé et j’espère trouver de nouvelles lectrices du moins. C’est surtout cela que je recherche !

 
quels sont les enjeux ?

Bien évidemment, une publication chez Hugo Romance. Personnellement, je ne m’en formaliserais pas de perdre, vu que je m’autoédite depuis un moment. Je n’attends pas après cela spécifiquement. Mon premier objectif étant de me donner une visibilité par ce concours et conquérir de nouvelles lectrices. Le reste se vivra au jour le jour. Donc, faut juste que l’information circule un max !

Le concours dure 3 mois, du 20 janvier ( jour de la sortie de LOMCTR2, facile à retenir !) au 17 avril.

Trois mois, c’est court, mais c’est aussi très long si les chapitres s’enchaînent et qu’on est à court de chapitres. Donc, on ira trankilou, Pilou !

 
Quel est le thème du concours ?

Comme je vous ai annoncé l’arrivée de ce concours  en début d’article, comme une bonne nouvelle, mais avec des points qui peuvent mettre un frein à ce parcours, eh bien, je vous ai aussi annoncé le thème :

 

C’est un 10, mais…

Fyctia reprend une mode Tiktok de booktokeuses en disant, c’est un 10/10, mais il y a des trucs qui ne vont pas.

C’est un 10, mais la fin peut déplaire. C’est un 10, mais attention c’est assez gore.

On retrouve donc aussi cette idée pour la thématique des histoires et ici, c’est ce qui est attendu. Pour vous donner une idée, je vais le transposer à mes livres.

JTV : C’est un 10, mais c’est un connard.

AVS : C’est un 10, mais c’est mon patron et il a déjà une copine.

DLPEN : C’est un 10, mais c’était mon premier amour et ça s’est mal fini.

LOMCTR : C’est un 10, mais je ne suis pas amoureuse de ce chevalier.

Concrètement, le thème ne se transpose pas uniquement à la new romance. C’est un thème très large, d’autant plus qu’en new romance, les genres dark romance et MM sont par exemple acceptés. Mon texte sera donc une aiguille dans une botte de foin !

 

De quoi va parler ton histoire, du coup, jordane ?

 

Souvenez-vous, je vous avez parlé cet été de la reprise d’un vieux manuscrit ( qui est tjs en cours d’écriture d’ailleurs), une romance contemporaine friends to lovers à l’université : eh bien ce sera celle-ci. Une romance légère, young adult. De quoi s’offrir de la bonne humeur !

 

Résumé :

 

 

Salut !
Moi, c’est Sasha, beau gosse de 23 ans, étudiant en fac. J’aime le basket, ma drogue… et les gros seins, mon kif suprême ! Ouais, je sais, ça fait lourdaud de base de dire ça, mais c’est un fait : je ne sors qu’avec des filles ayant au minimum un bonnet D. Le reste, je m’en fous pourvu que la fille ait un minimum de charme. 

Je vis en coloc avec mon amie d’enfance, Elley. Je m’entends super bien avec elle, mais voilà… Il a fallu que son chéri la trompe pour qu’elle déprime grave. Mes deux amis, Côme et Eliott, me lancent alors un pari contre un billet : peloter la poitrine d’Elley pour qu’elle oublie l’autre enfoiré ! Me doutant de sa réaction directe, je refuse, mais les circonstances me font revenir sur ma décision et me voilà avec mes mains sur sa paire de seins !

La plus grosse erreur de ma vie ! Je ne pense qu’à ça depuis ! Elle n’entre pas dans mes standards habituels avec son 95C. Pourtant, j’ai encore envie de les tripoter au point de penser que c’est la meilleure poitrine que j’ai eue en mains, mais… c’est ma meilleure amie ! Help !

 

Voilà un peu le speech ! Vous aurez donc compris que le thème, pour ma part, sera :

C’est un 10, mais… c’est ma meilleure amie !

 

Je compte sur vous !

 

Vous savez tout ! Je vous propose une lecture régulière et gratuite pendant les 3 mois du concours. Seule contrainte, notre rdv pour ouvrir un nouveau chapitre en likant d’un « j’aime » et en partageant !

Vous pourrez lire en créant votre compte soit directement sur le site fyctia, soit en téléchargeant l’application sur votre téléphone. On verra à l’issue comment cette histoire finira en terme éditorial.

Donc RDV le 20 janvier pour découvrir l’histoire de Sasha et Elley !

 

 < Je fonce lire cette histoire ! > 

 

 

LOMCTR T2 : Le Démon et la Protectrice – chapitre 3

 

 

Ne jamais contrarier une femme… 😜

Let’s go pour le chapitre 3 !

©Jordane Cassidy – 2023


 

Chapitre 2 <=


 

 

3

 
Le dernier mot d’une duchesse

 

 

— Duchesse ! Je vous en prie ! Soyez raisonnable ! Vous ne devez pas sous-estimer votre santé !

— Je vous dis que je vais bien ! Je n’ai pas besoin d’un nouveau contrôle !

Aélis tentait de semer le docteur qui s’efforçait de lui courir après pour l’ausculter.

— Mais si je ne vérifie pas votre santé, le Duc va…

Aélis s’arrêta net et se tourna vers lui en entendant la mention du Duc sortir de sa bouche.

— Si le Duc vous fait la moindre réflexion, dites-lui qu’il vienne me voir et je lui dirai la suite !

Le médecin resta silencieux, ne sachant s’il devait vraiment insister auprès de la Duchesse d’Althéa et s’immiscer dans les problèmes relationnels des deux époux.

— Duchesse, si vous mourez, je suis moi-même un homme mort d’avoir été négligeant avec vous…

Le ton confus du docteur fit souffler d’agacement Aélis. C’était toujours la même rengaine.

— Ils tremblent vraiment tous devant lui ! grogna-t-elle pour elle-même.

 

Cela faisait trois jours qu’elle n’avait pas croisé le Duc. Leur accrochage dans la chambre à son réveil et sa sortie pour le moins inattendue les avaient laissés dans un état latent. Tout restait plus ou moins en suspens. Malgré ses excuses, Callum ne s’était pas expliqué davantage sur cette bataille, sur ses ennemis ou sur ce qui était ressorti de tout ça. Comme d’habitude, il continuait de la mettre à l’écart. Une sorte de lassitude la gagnait à devoir se battre pour être considérée comme une personne fiable. Elle estimait ne pas être celle qui devait faire le premier pas sur ce sujet. Il avait été averti et il savait ce qu’elle attendait de lui. Malgré tout, le silence de Callum à ce sujet la blessait. Le mariage ne changeait rien à leur relation. Tout restait fébrile et par-dessus tout, elle ignorait toujours quelle était sa réelle place à prendre à ses côtés, malgré son titre de Duchesse non officialisé lors du mariage par le Roi et celui d’épouse.

Elle savait cependant que faire suivre son état de santé de façon aussi rigoureuse et oppressante ne pouvait pas durer éternellement et qu’elle allait devoir se confronter à Callum Callistar pour obtenir plus d’indépendance à ce sujet, surtout qu’aucun signe inquiétant n’était apparu depuis son réveil.

— Très bien… Je vous propose d’aller le trouver dès maintenant pour que chacun puisse se libérer de cette contrainte.

Le médecin concéda ses propos non sans détourner son regard d’elle avec inquiétude. Ils se rendirent donc au bureau du Duc, sans invitation. Elle frappa à la porte et put entendre un « entrez ! » qui la conforta sur le fait qu’elle allait être enfin libérée de cette charge médicale.

 

Callum écarquilla les yeux en la voyant apparaître. Cléry, Finley et Mills étaient à ses côtés. Il semblait qu’elle venait interrompre une réunion… à laquelle elle n’était pas conviée, mais Mills, oui.

— Désolée si je vous dérange dans vos petits secrets ! déclara-t-elle alors, acerbe. Je souhaiterais parler à mon cher époux ! 

— Ma Duchesse ! s’exclama alors Finley, tout en allant à sa rencontre. 

Il s’inclina devant elle.

— Bien le bonjour, Duchesse ! Ma journée sera belle puisque je vous ai vue ce matin !

L’agacement d’Aélis s’effaça légèrement devant l’exagération respectueuse de Finley. Mills sourit, Cléry se sentit obligé de saluer Aélis également et Callum grimaça devant ce cirque.

— Effectivement, vous semblez bien plus ravi de me voir que mon cher époux !

Finley se tourna vers le Duc qui leva les yeux tout en soufflant.

— Que voulez-vous ? l’interrogea alors le Duc.

Aélis attrapa la manche du docteur et le présenta à lui. 

— Que vous disiez à notre cher docteur que ce n’est plus la peine de venir m’ausculter !

— Même pas en rêve ! répondit du tac au tac Callum.

 

Aélis fronça les sourcils, peu satisfaite de cette réponse.

— Vous pouvez disposer. Nous sommes en réunion ! continua Callum, tout en s’affairant devant son bureau. Nous n’avons pas davantage de temps à perdre.

Aélis croisa les bras, ne voulant pas en démordre et n’aimant pas sa façon expéditive de la congédier sans prendre le temps d’en discuter.

— Tout le monde dehors ! tonna alors la voix grave de la Duchesse.

Les personnes dans la pièce la dévisagèrent, incrédules de l’entendre émettre un tel ordre, allant à l’encontre celui du Duc.

— Oooh moi, je sors ! s’exclama Finley. Il n’y a rien de pire qu’une femme en colère ! Même Dieu ne peut rien contre ça ! Viens, Cléry !

Il passa son bras sous celui du prêtre pour quitter la pièce.

— Personne ne bouge de cette pièce ! gronda le Duc. La Duchesse attendra !

Aélis plissa les yeux en constatant les réticences du Duc, puis sourit.

— Très bien ! Je vais attendre !

Elle prit une chaise et s’assit.

— De quoi parliez-vous ? Il me semble que j’ai le droit de le savoir puisque je suis Duchesse !

— Tu n’as pas été intronisée ! rétorqua le Duc.

Le docteur toussota, gêné de voir la familiarité du couple lavant son linge sale devant tout le monde.

— Je vais vous laisser et attendre dehors.

Il s’extirpa rapidement de ce qu’il estimait être un guet-apens. La porte claqua derrière lui, laissant un léger silence dans la pièce. Finley n’osa plus prononcer un mot. Cléry, flegmatique, soupira de lassitude. Mills, le visage toujours bienveillant, se contenta de sourire devant ce spectacle intéressant.

— Aélis, tu as été blessée. Il te faut quoi de plus pour comprendre ?! s’énerva Callum.

Aélis se leva de sa chaise, belliqueuse.

— Des explications ! Justement ! 

Elle se tourna alors vers les trois serviteurs.

— Me considérez-vous comme une simple noble ou véritablement comme votre Duchesse ?

Cléry et Finley se regardèrent, sentant bien le piège venir selon la réponse. Mills, moins gêné, répondit.

— S’il n’y avait pas eu l’intervention de ces brigands lors de votre mariage, vous seriez effectivement couronnée par le Roi Mildegarde comme Duchesse d’Althéa.

— Voilà ! s’écria Callum, ravi d’entendre cela, tout en montrant de sa main ce qu’il considérait venant de la bouche de Mills comme la vérité absolue.

— Cependant, reprit Mills devant la satisfaction du Duc tout à coup mise à l’épreuve, cette attaque ne change rien au fait que vous le serez tôt ou tard. Donc, à mes yeux, aujourd’hui ou demain, cela n’a pas d’importance, puisque c’est votre destin d’embrasser Althéa…

Mills regarda alors Callum avec un petit sourire.

—… et son Duc !

Les pommettes rougies, Callum se sentit soudain gêné par ses mots.

— Par conséquent, à mes yeux, vous êtes et resterez ma Duchesse !

— Traître ! marmonna entre ses dents le Duc.

Malgré le coup d’œil assassin jeté sur Callum, Aélis remercia Mills de sa loyauté en baissant la tête légèrement. Elle se pencha ensuite vers Cléry et Finley. Le chevalier blond observa la réaction du Duc, qui comprit que c’était plié en remarquant l’hésitation de ses sujets.

— Je me suis engagé à vous protéger, répondit solennellement Cléry, à la demande du Duc Callistar et devant le Seigneur. Je ne peux donc revenir sur ma parole. Vous êtes la Duchesse, peu importe le caractère officiel ou non, de ce statut pour l’instant.

— Merci, Cléry, pour votre loyauté.

— Vous êtes vraiment fatigants tous les deux ! s’agaça alors Finley. Pourquoi dois-je trancher entre l’un et l’autre ? 

Il montra respectivement Aélis et Callum.

— Je ne veux pas être l’arbitre de vos querelles d’amoureux !

— D’amoureux ! répétèrent Aélis et Callum, stupéfaits par ce qualificatif.

— Où as- tu vu de l’amour dans mon refus de l’impliquer ?! s’expliqua le Duc. C’est juste de la logique et de la prévention !

— Jamais je ne tomberai amoureuse de cet homme ! renchérit Aélis tout en désignant le Duc avec un certain dédain sans pour autant savoir comment le désigner réellement.

Cléry pouffa en voyant combien la spontanéité de Finley était toujours aussi percutante.

— Ce n’est pas drôle, Cléry ! s’énerva Callum.

— Ne vous en prenez pas à mon chevalier ! le défendit alors Aélis.

Callum tapa la paume de ses mains sur son bureau avec colère.

— Mon… Mon chevalier ? répéta Callum, le sourcil tressautant à l’écoute de cette évocation pour le moins possessive.

— Parfaitement ! lui tint tête Aélis. Vous venez de l’entendre, non ? Cléry me considère comme sa Duchesse et a accepté de me servir. De ce fait, en retour, je lui offre ma protection, comme tous les soldats qui me protègent. Par conséquent, si vous vous en prenez à lui, vous avez affaire à moi !

Callum ferma les poings contre le bureau. La veine palpitant de colère sur sa tempe, il plissa les yeux et serra les dents jusqu’à se décider à contourner le bureau pour lui faire face sans obstacle entre eux.

— Nous repartons donc sur le même discours qu’avec Sampa… Je vois… Vous comptez me faire définitivement taire pour que je cède à leur Duchesse leur unique allégeance en m’embrassant aussi sur la bouche pour chacun de MES chevaliers et soldats ?

Les yeux comme des billes à cause de sa stupeur devant l’indicible, Aélis se raidit avant de ressentir la honte l’envahir en voyant la tête d’abord surprise, puis régalée de Cléry, Finley et Mills devant cette révélation. Le visage rouge écarlate devant les petits sourires et gloussements à peine offusqués des trois hommes, Aélis se dirigea vers la porte et l’ouvrit.

— Tout le monde dehors ! 

La voix de la Duchesse, grave, presque funèbre, fit frémir Finley qui regarda instinctivement Callum, l’œil vif, sans doute partagé entre la colère et le défi de tenir tête à son épouse. Mills fit le premier pas vers l’extérieur et sourit à Aélis d’un air empressé de les laisser seuls. Cléry suivit, puis Finley. Cette fois-ci, Callum les laissa quitter la pièce sans la contredire. Aélis claqua la porte derrière eux et s’approcha de lui.

— Comment osez-vous déballer notre vie privée en public ?!

Droit dans ses bottes et l’air goguenard, Callum s’appuya contre le bureau d’une main et sourit.

— Vie privée, vous dites ? Un baiser comme marchandage et c’est ça, votre vie privée ? Ai-je raté quelque chose de plus ?

Face à cette pique cinglante, Aélis secoua la tête d’amertume.

— Effectivement, c’est déjà trop pour vous ! J’ai été trop généreuse ! Je ne ferai pas deux fois la même erreur ! C’était le dernier baiser !

— Parfait ! contourna alors Callum. Donc on est d’accord pour dire que Cléry, Fin et Mills restent sous mes ordres ! Affaire réglée.

 

Aélis serra les pans de sa robe de rage. Callum Callistar était un homme de combat redoutable autant par son épée et son pouvoir que par ses mots. Elle le regarda alors retourner s’asseoir derrière son bureau et s’affairer à nouveau au milieu de dossiers, puis la tristesse la gagna.

— Si tous se sont accordés à reconnaître que j’étais leur Duchesse, vous êtes le seul à ne pas le faire. Pourquoi ? Je dois dire que je m’attendais plus à ce que les serviteurs soient hostiles à mon commandement, mais finalement, c’est celui qui devrait m’appuyer le plus qui ne me considère pas en tant que telle… Que vous ai-je fait ?

Callum s’interrompit et regarda un point au loin. Il ferma ensuite les yeux et soupira.

— Aélis, en te tenant éloignée de ce qui se préparait le jour du mariage, tu as toutefois fini blessée. Si je t’autorise à t’impliquer dans nos combats de près comme de loin, la prochaine fois, ce sera peut-être la mort qui t’attendra !

Il tourna alors sa tête vers elle, le regard dur. Elle s’esclaffa, affectée par cette réponse.

— J’ai été enlevée, menacée, j’ai failli mourir étranglée, j’ai même reçu une attaque magique et le tout en me tenant éloignée de vos secrets ! Il faut croire que cette stratégie n’est guère efficace, Callum Callistar. Je côtoie déjà la mort ! Sans parler d’être l’épouse du Chevalier de Sang ! Si ça, ce n’est déjà pas mortel !

Le Duc esquissa un sourire à sa dernière remarque. Il concéda néanmoins son propre échec à la protéger même dans de telles conditions. Il se leva et la contempla un instant.

— C’est vrai, il semblerait que la femme que m’a confiée le Roi soit, que je le veuille ou non, un aimant à problèmes… 

Il observa son visage déçu, puis lorgna sur ses lèvres.

— Et ce, à tous les niveaux…

Il s’éloigna d’elle tout à coup et alla regarder le jardin par la fenêtre, les mains dans le dos. Il mit un temps avant de parler à nouveau.

— Nous allons repartir…, avoua-t-il gravement.

— Quoi ?

— Je prends un bataillon avec moi.

— Vous allez vous battre contre eux à nouveau ? s’inquiéta alors la jeune femme.

— Non, nous n’avons pas de piste pour l’instant. Les prisonniers ne diront rien, nous avons déjà eu l’exemple auparavant. Le Balafré est mort et le peu d’informations que j’ai obtenues lors de mon combat ne m’a pas plus avancé sur la suite. Quant au chevalier ayant combattu le Roi, je n’ai pas eu d’informations dessus non plus. Le Roi est resté bizarrement très évasif concernant son combat. Même si je n’aime pas ces mystères autour d’eux, je ne peux que me contenter d’attendre une nouvelle manifestation de leur part pour agir. 

— Alors où allez-vous ?

— Nous avons reçu une missive demandant un soutien militaire à la frontière nord-Ouest d’Avéna. Je prends donc un bataillon pour venir en renfort aux troupes du Roi contre celles du Royaume d’Ayolis qui semblent en mouvement.

Aélis baissa les yeux, attristée finalement d’entendre cette nouvelle.

— Vous partez… longtemps ?

Callum se tourna vers elle.

— Je l’ignore. J’espère ne pas m’y éterniser. Je n’aime pas cette menace qui plane toujours sur Althéa alors que je serai absent.

Devant la mine inquiète du Duc, Aélis eut un sursaut d’orgueil.

— Althéa ira bien durant votre mission. Je m’en assurerai !

Un peu surpris par son élan soudainement réconfortant et son assurance, Callum chercha à comprendre son revirement de comportement, l’instant d’avant pourtant plus à l’opposition. Il se rapprocha d’elle et se pencha devant son visage pour chercher le piège.

— Dois-je y percevoir tout à coup une pointe de réjouissance à me savoir parti loin de vous ? demanda-t-il alors, les yeux méfiants.

— Puisque vous me partagez vos secrets au compte-gouttes, j’ai décidé que j’en ferai de même avec les miens ! Chacun ses missions ! Vous ne voulez pas que je sois dans vos petits papiers sur les affaires extérieures, alors je vais juste m’occuper des miens à l’intérieur d’Althéa… avec leurs lots de dangers !

Le sourire légèrement faux d’Aélis ne provoqua guère de soulagement pour Callum.

— Vous êtes vraiment prête à tout pour que je m’énerve et que je craque ?

Le sourire d’Aélis s’effaça en une grimace d’incompréhension, avant de baisser les yeux et rougir légèrement.

— Vous refusez de compter sur moi pour gérer Althéa et de m’inclure dans vos réunions. Je n’ai donc d’autres choix que de m’imposer autrement.

Callum se redressa et la toisa quelques secondes. Il posa sa main sur le haut de la tête de la Duchesse et la caressa légèrement pour ne pas défaire sa coiffure.

— Ne mettez pas non plus Althéa sens dessus dessous pendant mon absence ! déclara-t-il alors tout en s’éloignant d’elle.

— Il vous faudra d’abord revenir vivant pour voir cela !

Callum se retourna, surpris. S’il y avait eu des femmes qui avaient attendu son retour avec impatience, c’était sans doute la première fois qu’on l’obligeait à revenir en un seul morceau simplement par défi. Il sourit alors.

— Je n’ai pas dit que vous pouviez me détrôner non plus à l’intérieur des murs ! Vous êtes juste ma suppléante ! Rien de plus !

Aélis se dirigea vers la porte.

— Pas suppléante ! Duchesse ! Et pas « La » Duchesse, mais « Ma » Duchesse ! Souvenez-vous de la leçon au petit garçon !

Elle lui fit un clin d’œil et claqua la porte derrière elle. Callum resta un instant à contempler son départ avec rêverie. 

— MA Duchesse ?

Il s’esclaffa, ne voulant croire à ce désir de possession qu’elle souhaitait lui insuffler pour qu’il revienne vivant.

— Elle prend de plus en plus d’assurance… Dois-je vraiment m’inquiéter de cela ? Elle pourrait vraiment me détrôner !

 

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Chapitre 2 <=


 

LOMCTR T2 : Le Démon et la Protectrice – chapitre 2

 

 

En ces périodes de fêtes, voici votre petit cadeau de Noël, le chapitre 2 de cette saga.

Merci de pousser les portes d’Althéa pour découvrir cette saga et merci d’en redemander !

Vous êtes au top !

©Jordane Cassidy – 2023


 

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2

 

De l’espoir naît des colères

 

 

Les rayons du soleil parvenaient difficilement à traverser la pierre blanche accrochée à son cou, en général translucide à l’abri de la lumière aveuglante du soleil. Plus Callum l’admirait, plus il se sentait apaisé. C’était toujours ainsi. Il sentait la négativité l’envahir et il lui suffisait de serrer cette pierre dans sa main ou de la porter contre son plexus pour que ça le calme. D’ordinaire, son autre pierre, l’obsidienne noire, demeurait une des pierres qui absorbait le mieux les ondes négatives. C’était pour cette raison que son mana avait réagi à elle lors du test du Conseil Magique à l’époque de sa formation pour devenir chevalier et qu’elle était devenue sa pierre primordiale, sa pierre de combat incrustée dans sa dague. Avec du mana, l’obsidienne noire absorbait les ondes négatives et pouvait également en redistribuer en grande quantité à ses ennemis, comme ce fut le cas lors de son dernier affrontement contre Khan, et donc le soulager de ce stock négatif inépuisable en lui qu’il cumulait en plus de celles qu’il absorbait de ses ennemis.

Pourtant, la pierre blanche accrochée à son cou était bien celle qui lui apportait quelque chose en plus. Allongé sur une banquette sous le kiosque, il s’amusait à faire miroiter entre ses doigts face au soleil la gemme accrochée à son fil de cuir. Sa fascination était autant due à son origine inconnue qu’à son aspect mystérieux. Il sourit en repensant à la façon dont il l’avait obtenue. Le destin était quelque chose de bien étrange, tout comme cette pierre. Plus jeune, il avait appris la gemmologie et la lithothérapie. Il connaissait donc la majorité des pierres en ce monde : précieuses, semi-précieuses, d’ornement ou d’origine organique, et avait appris leurs vertus et usages. Il avait tenté d’identifier cette pierre, d’en trouver par ses caractéristiques le nom. En vain. Rien ne correspondait. Il avait pourtant cette possibilité de se rendre au Conseil Magique à Avéna pour pousser cette recherche auprès de chercheurs et autres spécialistes, mais il craignait également que son identification ne casse la magie que cette pierre lui apportait au quotidien. Tout ce qu’il savait était là, sous ses yeux. Une pierre blanche, translucide, mais qui à la lumière du soleil laissait apparaître dans sa composition d’aspect si pure quelque chose de troublant, mystérieux, mais en mouvement, au point d’en troubler sa composition et rendre la pierre plus laiteuse. Était-ce son mana aspiré à l’intérieur ? Ses ondes négatives que la pierre retenait pour qu’il n’en soit pas submergé ? Un pouvoir que la pierre gardait en elle ? Peut-être bien. Il n’en voyait que des effluves légèrement plus foncés tourbillonnant lentement. Était-ce son imagination ? Il n’avait jamais osé demander à quelqu’un si ce qu’il voyait était pareil pour tout le monde. Quelque part, cette part de mystère, il aimait l’entretenir. C’était comme une relation unique, privilégiée, qu’il souhaitait conserver entre le propriétaire originaire de cette pierre et lui. Un lien privé, secret, qu’il préférait garder pour lui.

 

En contemplant cette pierre, il partait dans une douce rêverie, se demandant une nouvelle fois ce qu’était devenue la personne qui lui avait confié cette pierre. S’il avait des espoirs de l’avoir retrouvée, il ne voulait pas trop y croire pour ne pas ressentir trop de déception s’il venait à avoir eu faux.

— Prends au moins ma pierre ! C’est mon cadeau pour m’avoir sauvé la vie ! Elle est unique, à ce qu’il parait !

Il ferma les yeux et les souvenirs revinrent. Cette petite voix, ces grands yeux pleins d’admiration et de gratitude, ce changement soudain de caractère dès que sa situation se fut améliorée grâce à lui, cette innocence teintée de maladresses et d’humour. La pierre avait atterri autour de son cou sans qu’il n’ait eu le temps de réagir. Elle lui avait alors souri et déposé un baiser à la commissure de ses lèvres. C’était la première fois qu’une fille l’embrassait. La première fois qu’une fille s’intéressait à lui. La première fois qu’il avait été gêné au point d’en perdre ses moyens, lui à qui on apprenait quotidiennement à ne jamais baisser sa garde. La première fois qu’une fille le demandait en mariage !

Il ouvrit les yeux et inspira un bon coup. Cette pierre était devenue son talisman. Si le mana de Cléry avait réagi à trois pierres lors de son initiation à la chevalerie, chez lui cela avait été différent. Seule l’obsidienne avait réagi à son mana, mais surtout, il n’avait pas prévu que cette seconde pierre interagisse plus tard avec son mana de façon si inattendue. Il était convaincu que c’était cette pierre qui le sauvait de sa propre négativité, si débordante, si féroce. Sa vie n’avait été qu’un flot continu de tristesse, de combats et de sang pour survivre. Comment ne pas être absorbé par la part sombre de son mana, comme Likone ? Il en avait acquis la certitude que cette pierre le protégeait, tel un bouclier pour ne pas se faire dévorer par ses propres démons, en plus des ondes négatives de ses adversaires. D’ailleurs, il se sentait à nu, inquiet, fragile, s’il ne la portait pas contre son plexus. Elle était devenue un indispensable à son bien-être.

 

Il la serra dans son poing et entendit les pas de quelqu’un marchant sur la pelouse pour venir à lui. Il se redressa. Un domestique s’avançait vers le kiosque.

— Seigneur, la Duchesse s’est réveillée. Monsieur Mills m’a demandé de vous prévenir de toute urgence.

Il s’inclina alors. Sans attendre un complément d’information, Callum se leva d’un bond et fonça vers le château.

 

Il dévala les marches du château, traversa les couloirs au pas de course, rasa les murs pour gagner un maximum de temps et de distance, serra chaque virage le souffle court dans un dérapage contrôlé et arriva enfin à la chambre d’Aélis. Sans même prendre la peine de frapper, il ouvrit grand la porte et la vit, debout, en pleine séance d’habillage. Margaux lui refermait sa robe dans un laçage dorsal. Aélis portait une robe fine en velours noir orné de son lacet argenté et de broderies de même couleur le long du buste. Il la trouva magnifique jusqu’à ce qu’il croise son regard et remarque sa grimace agacée.

— Et sinon, parce que vous êtes le Duc, vous oubliez les simples règles de politesse et omettez de frapper avant d’entrer ?

Callum la fixa un instant avant de sourire. Nul doute qu’elle était en forme si elle le réprimandait de la sorte dès son réveil.

— Désolé ! déclara-t-il en s’approchant d’elle. Après six jours de sieste, je commençais à croire que vous entamiez une hibernation ! Je m’attendais presque à voir un ours dans ce lit ! J’étais donc ravi d’entendre que finalement, vous ayez décidé de vous réveiller pour reprendre votre rôle de duchesse !

Aélis fit un « O. » offusqué de la bouche, auquel Callum rit légèrement.

— Laissez-nous ! ordonna-t-il à Margaux.

— Mais, Duc, je n’ai pas fini son laçage ! rétorqua Margaux, rigoureuse.

— Je m’en occuperai !

Les deux femmes restèrent muettes, mais interloquées par sa réponse. Il poussa pourtant avec panache la servante vers la sortie et referma la porte derrière elle. Il se tourna vers Aélis et combla une nouvelle fois les mètres les séparant.

— Tournez-vous ! lui ordonna-t-il.

Aélis hésita, gênée d’être habillée par un homme, mais obéit. Callum continua le laçage entamé par Margaux.

— Je serre ? demanda-t-il alors plus doucement tandis qu’Aélis pouvait sentir son souffle sur sa nuque et sur ses épaules légèrement dénudées.

— J’aimerais juste avoir le luxe de pouvoir respirer convenablement !

Callum sourit et, tout à coup, passa ses bras autour de sa taille pour la serrer contre lui. Aélis écarquilla les yeux et se figea.

— Je suis désolé. Je ne voulais pas te blesser.

Aélis ferma les paupières un instant avant de soupirer et de les rouvrir.

— Vous ne vouliez pas nous viser. C’était un accident.

— Je suis content de voir que vous allez bien.

Aélis sourit. Il oscillait de temps en temps entre le vouvoiement et le tutoiement quand il se voulait plus proche d’elle.

— Le docteur nous a dit que vous n’auriez pas dû survivre à un tel impact magique. Votre convalescence demeure tout aussi mystérieuse que l’absence de marque sur votre corps.

Aélis se tourna immédiatement pour lui faire face.

— Vous m’avez vue nue ? l’interrogea-t-elle alors, rouge de honte.

La jeune femme toujours enlacée dans ses bras, Callum sourit de son incommodité.

— Non ! lui répondit-il tout en frappant doucement son front du sien. Seulement Margaux et le docteur !

Un certain soulagement apparut sur le visage d’Aélis auquel Callum ne sut trouver une interprétation convenable.

— Nous étions tous inquiets. Les personnes ayant subi une telle attaque magique en dehors des chevaliers magiques ne ressortent jamais indemnes et vous êtes une femme ! Les dommages auraient dû être graves ! Pour plus de sécurité, je vais demander au docteur qu’il vous surveille quotidiennement.

— Je vais bien ! répéta Aélis, un peu agacée qu’on ne la croie pas. Je ne veux pas de surveillance de ma santé !

— Vous avez eu beaucoup de chance ! s’exclama Callum, inquiet.

Aélis s’éloigna de lui et s’approcha du lit.

— Vous croyez ?

Callum observa son dos orné de son laçage avec intérêt. 

— À quel moment voyez-vous de la chance ? lui demanda-t-elle.

Elle attrapa alors le coussin sur lequel elle avait dormi durant six jours.

— Lorsque je découvre que mon mariage est le théâtre d’un affrontement ?

Elle se tourna alors et le frappa avec.

— Lorsque l’homme devenant mon mari semble savoir que cette attaque allait avoir lieu lors de cet événement et qu’il a préféré me le cacher ?

Elle frappa une nouvelle fois Callum de son coussin. Surpris par sa colère soudaine, Callum para le coussin de son bras qu’il utilisa comme bouclier.

— Lorsque je me rends compte que tout le monde savait sauf moi ?

Callum para un nouveau coup de coussin sur la tête, mais Aélis fut plus maline et en donna un second sur sa hanche qu’il ne put esquiver.

— Ou lorsque je découvre Sampa au milieu du champ de bataille alors qu’il est blessé et que je ne l’avais pas autorisé à reprendre ses fonctions ?

 

Les coups tombèrent sur Callum qui se contenta de reculer devant sa fougue.

— Comment avez-vous pu me… me mettre à l’écart de la sorte ?! cria Aélis, folle de rage à présent.

La colère fit place néanmoins rapidement à la déception. Callum put y voir un début de chagrin dans ses yeux meurtris par le sentiment de trahison.

— Je devais m’assurer que l’effet de surprise demeure pour qu’ils ne se doutent pas qu’on les attendait ! se justifia le Duc. Je n’avais pas le choix !

— On a toujours le choix ! répondit Aélis tout en lui donnant un nouveau coup de coussin. Je croyais qu’on était d’accord sur l’arrêt des secrets et des mensonges, sur le partage des informations entre nous pour la bonne marche d’Althéa.

Un nouvel assaut vint frapper le bras de Callum. Il recula encore et alla s’écraser sur la coiffeuse, balayant au passage quelques produits de beauté qui tombèrent au sol.

— Vous ne m’avez pas fait confiance !

La respiration saccadée et les larmes dévalant ses joues, Aélis laissa tomber le coussin au sol.

— Encore une fois, vous m’avez ignorée.

Callum baissa son bras et constata l’infinie tristesse se dégageant des paroles et de l’attitude de son épouse.

— Et vous osez vous excuser ensuite de m’avoir blessée avec votre magie ?

Elle tenta alors d’essuyer ses larmes et s’esclaffa, terrassée par l’amertume.

— Vous m’avez blessée bien avant cet accident magique ! Inutile de vous inquiéter pour moi tout à coup ! C’est trop tard !

Callum se releva et frotta ses vêtements pour les remettre en place. Il soupira, comprenant sa punition soudaine.

— C’est vrai, j’avais le choix. Dire à la femme qui devait m’épouser de force, que son mariage allait devenir en plus une excuse pour un affrontement dont elle était étrangère, que sa vie serait en danger, que son mariage serait gâché et sans doute incomplet, que des gens qu’elle aimait risquaient de mourir… C’est ça que vous vouliez entendre ? Vous, la jeune fille innocente qui rêve du mariage de ses rêves avec un homme sans doute merveilleux en tous points ? Vous oseriez me dire que vous auriez été capable de jouer la comédie en sachant tout cela ?

 

Tous deux se fixèrent, jouant le besoin de camper sur ses positions. Aélis s’éloigna de lui à nouveau et alla vers la fenêtre.

— Et donc vous estimez que le résultat actuel vaut mieux que de me l’avoir dit dès le début ?

Callum se frotta les cheveux et baissa la tête. Effectivement, ce résultat n’était pas des plus agréables non plus.

— J’aurais préféré un mariage plus calme également. Il n’est jamais agréable de jouer avec la vie des gens… J’aurais préféré également voir un début de bonheur sur votre visage plutôt que cette tristesse. Je suis désolé.

Aélis serra ses bras de ses mains, comme pour se réconforter de l’absence de douceur et de délicatesse dans ce résultat. Callum soupira de dépit.

— Sampa va bien. Il se repose… dans une chambre. Je lui ai octroyé ce droit, vu qu’il vous a protégée.

Aélis leva les yeux, atterrée par sa magnanimité soudaine.

— Dois-je en plus vous remercier pour lui de ne pas l’avoir renvoyé au cachot ?

Callum sourit en la voyant ironiser de la sorte. Elle était dure en négociation pour enterrer la hache de guerre.

 

— Il a souhaité se battre quand je lui ai dit qu’Althéa risquait d’être attaquée. C’est un soldat. Il a compris que son devoir l’appelait et que le danger risquait de s’abattre sur sa maîtresse. Je ne l’ai poussé à rien.

— Vous lui avez parlé de votre plan. Vous l’avez donc implicitement poussé à se battre plutôt que de passer pour un faible.

— Il a été sauvé de l’exécution contre la promesse de votre protection coûte que coûte. Sa survie n’a pas d’intérêt si elle ne répond pas aux raisons pour lesquelles elle est effective.

— Sa survie est de mon ressort, pas du vôtre.

— Son être tout entier dépend de son maître à partir du moment où il m’a prêté allégeance.

— Sauf que cette allégeance a été revue et annulée par la mienne.

— On n’annule jamais l’allégeance au seigneur de son fief, sauf si ce dernier le répudie. Autrement dit, je reste son ordonnateur. J’ai juste autorisé qu’il vous prête allégeance et vous serve également. Disons que je vous le prête et que donc, si je demande qu’il se lève pour vous protéger, il se doit d’obéir.

 

Aélis se tourna et revint à ses côtés. Le regard plus décidé que jamais, elle sourit et le jaugea.

— Pouvons-nous dire qu’à partir du moment où l’on se marie, on se prête allégeance l’un à l’autre ? Et que par conséquent, si j’ordonne d’être la seule décisionnaire du sort de Sampa, votre allégeance pour moi prend effet ?

Callum haussa un sourcil et s’esclaffa.

— Tout comme je peux dire que ma femme me doit allégeance quand il s’agit de mon souhait de la protéger coûte que coûte si j’estime qu’Althéa court un danger.

Aélis se mordit la lèvre, agacée de ne pas trouver de réparties à ses propos pouvant le faire taire. La crispation d’Aélis redonna de l’élan à Callum pour retomber sur ses pattes.

— Sauf si cette dernière arrive à me convaincre de céder à ses exigences les plus folles…

Il lorgna sur les lèvres de sa nouvelle épouse quelques secondes durant lesquelles Aélis comprit ses insinuations.

— Mais encore faut-il que ma chère épouse ait de quoi faire fléchir mon petit cœur de Chevalier de Sang ! Pas gagné !

Il lui fit un clin d’œil amusé. Aélis lui attrapa alors la chemise et déposa ses lèvres sur les siennes. Le baiser fut bref, mais suffisamment efficace pour surprendre Callum. Elle se détacha de lui, puis essuya sa bouche d’un revers de bras, avant de revenir poser sa main sur le cœur du Duc battant à tout rompre contre sa poitrine. Aélis se mit alors à sourire tandis qu’il lorgnait sur cette main touchant son cœur.

— Petit cœur de marbre semble bizarrement réagir tout à coup ! lui chuchota-t-elle, d’un minois de vainqueur. J’en déduis que j’ai gagné !

Elle quitta alors la pièce, laissant le Duc sur cette défaite inattendue.

 

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LOMCTR T2 : Le Démon et la Protectrice – chapitre 1

 

 

Voilà une petite surprise en avant-première pour les abonnés : le chapitre 1 du T2 de LOMCTR !

Souvenez-vous, Aélis reçoit de plein fouet l’orbe magique de Callum par accident alors qu’il était en plein combat contre Khan, un chevalier magique à la solde de Gésar, frère du Roi et chef des brigands voleurs de pierres, et qui a attaqué  avec ses hommes Althéa pendant le mariage de Callum et Aélis.

Voici donc la suite avec ce chapitre 1

©Jordane Cassidy – 2023


 

1

 

Les souvenirs nous rappellent ce qui est important.

 

 

 

— Aidez-moi ! S’il vous plait ! À l’aide !

Trois silhouettes de garçons s’approchèrent.

— Ne me faites pas de mal ! cria la voix de l’enfant recroquevillée sur elle-même.

— Tu peux crier à l’aide ! Ici, personne ne viendra à ton secours. Un monstre comme toi n’a pas sa place au royaume d’Avéna. Les monstres, on les supprime !

Les coups de pieds s’abattirent sur le corps frêle de l’enfant qui pleura tout en tentant de se protéger de ses bras.

— Regardez-moi ces cheveux ! Depuis quand les enfants ont-ils des cheveux gris ? Tu es une vieille qui refuse de vieillir ?

Des rires fusèrent.

— C’est une sorcière ! Elle va nous jeter un sort comme elle l’a fait sur son visage et son corps ! Elle peut nous transformer en bébés !

— Non ! Je ne ferai jamais ça ! pleura l’enfant. Je ne sais pas faire ça ! Je ne vous veux pas de mal !

— C’est ça ! railla l’un des garçons. On va te croire, sorcière ! Ta mère est une sorcière, tu ne peux qu’en être une également ! 

— Ma maman n’est pas une sorcière !

— Bien sûr qu’elle l’est ! fit un second garçon. Mon grand-père m’a dit que vous êtes toutes les deux de la lignée de la Protectrice ! Si avec ça, tu n’es pas une sorcière ou un démon, tu es quoi ?!

— Je ne sais pas de quoi vous parlez ! cria l’enfant tout en se cachant les oreilles de ses mains et en fermant les yeux. Je ne connais pas de Protectrice !

— Menteuse ! cria le troisième tout en lui assénant un nouveau coup de pied. Les Protectrices ont été décimées à ce qu’il parait ! Il semblerait qu’il en reste encore au moins deux ! 

— Débarrassons-nous d’abord d’elle ! fit l’un d’eux.

D’un commun accord, les trois silhouettes de garçons la frappèrent alors que la jeune fille, le visage sale, était acculée et à terre contre un rocher. La terreur ancrée en elle, elle hurla. Un des garçons lui attrapa le bras pour la relever.

— Viens-là, sale monstre !

 

Aélis se réveilla dans son lit en sursaut et s’assit. Son cœur palpitait dans sa poitrine. La sueur sur son front lui rappela combien ce souvenir lui était encore douloureux et oppressant. Le traumatisme du harcèlement dont elle fut victime depuis l’enfance ne la quitterait jamais. Elle le savait. Combien de cauchemars avait-elle faits depuis ? Sa seule certitude était que rien ne s’était vraiment arrangé en grandissant. Elle subissait juste moins d’attaques physiques. Les brimades et les chuchotements avaient accompagné bon nombre de ses déplacements. C’était d’ailleurs une des raisons pour laquelle sa mère sortait de leur château avec sa chevelure couverte jusqu’il y a peu encore malgré son âge plus avancé, et qu’elle-même évitait le plus possible les gens, même si son père l’encourageait à l’inverse, estimant que vivre pleinement n’était pas de rester cloîtrée chez soi. Si la chevelure cendrée de sa mère choquait de moins en moins les badauds et les nobles avec l’âge, se fondant davantage dans une normalité liée à la vieillesse, pour Aélis, vieillir rapidement n’était pas pour bientôt. Elle maudissait ses cheveux. Elle avait voulu les teindre, les couper, mais elle avait fini par comprendre que les cacher ne résoudrait pas la méfiance des gens à son égard. Sa mère, Christa de Middenhall, avait toujours eu ce regard triste. Pour sa fille comme pour elle. Son expérience passée lui faisait comprendre la sourde colère de sa fille face à l’injustice dont elle était la victime. Elle la subissait aussi, mais ne trouvait aucun conseil pertinent à lui donner pour faire face. Chacune avait fini par se faire à l’idée que seule une poignée de gens serait de leur côté et que c’était auprès d’eux qu’elles devaient trouver l’envie de vivre. Pour sa mère, ce fut auprès de son père, Fergus, et du Roi Mildegarde. Pour Aélis, auprès de sa famille et quelques rares alliés à la famille. La raison pour laquelle elle se méfiait toujours des gens était qu’elle savait que la mesquinerie était un mal bien plus pernicieux que les sourires qu’on lui avait offerts.

Mais pour « lui », tout avait été différent. Elle n’avait pas eu à douter de lui. Elle n’avait pas eu peur de ses intentions. Elle avait immédiatement senti qu’elle pouvait se reposer sur sa bravoure et sa gentillesse. Lui, son sauveur…

Très vite, son cœur retrouva un rythme acceptable en pensant à la suite. La main sur sa poitrine, Aélis retrouva le sourire. Un souvenir aux allures de cauchemar, mais qui finissait sur une conclusion douce-amère pour elle. 

 

— Hey ! Les gars ! À quoi jouez-vous avec cette gamine ?

Les trois garçons avaient alors interrompu leur règlement de compte sur sa personne et s’étaient tournés vers la voix masculine qui venait de les interpeller. Un autre garçon se tenait là, à quelques mètres. Celui qui allait être son espoir, son sauveur et son garde-fou pour ne pas sombrer dans la folie était apparu. Un peu plus grand qu’eux et plus âgé, il était seul, mais ne semblait pas impressionné par les trois autres.

Aélis ne se souvenait pas bien de son visage. Elle se souvenait seulement de combien il était sûr de lui, imperturbable devant eux. Elle se rappelait son corps fin, mais athlétique. Ses bras découverts plutôt musclés pour son jeune âge. Sa tenue était complètement différente des autres garçons. Pas de chaussures, de pantalon en toile et de chemise, mais un pantalon en cuir marron, un haut en cuir assorti et des bottes. Il ne semblait pas être comme les enfants de Piléa, le fief de sa naissance. Il avait un côté rebelle, bagarreur, mais d’une autre trempe que celles de ses agresseurs. Elle avait envié cette façon de n’avoir peur de rien. Elle avait envié ce charisme qu’il dégageait juste en se tenant droit, debout devant eux, les bras croisés. Il restait indifférent à leur ton menaçant, il semblait même en rire intérieurement. Malgré sa terreur d’avoir été battue, elle avait ressenti un soulagement en le voyant. Elle ressentait ce répit encore aujourd’hui en repensant à lui.

— Va voir ailleurs ! Ça ne te regarde pas ! avait lancé un des trois.

— On est paumés au milieu de nulle part et il faut encore qu’on arrive à nous interrompre ! avait râlé celui qui avait soulevé Aélis.

Il l’avait alors lâchée comme un vieux sac et s’était avancé vers le garçon.

— Va voir ailleurs ! lui avait répété le garçon d’un ton dur, mais dont son opposant n’avait pas paru vouloir en tenir compte.

— Elle pleure. Pourquoi lui faites-vous du mal ?

— Mêle-toi de tes affaires !

Son harceleur avait alors tenté de lui toucher le torse pour le pousser, mais son sauveur avait anticipé son intention. Aélis se souvint encore de ce retournement de situation incroyable. Son bienfaiteur lui avait attrapé le bras de ses deux mains en réponse, avait ensuite fait un demi-tour sur lui-même et avait fini par le basculer par-dessus son épaule. Son assaillant s’était écrasé au sol, sur le dos, sans comprendre comment il avait atterri ainsi.

— Vous m’avez empêché de faire ma sieste ! Cela devient donc mes affaires !

 

C’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un mettre au tapis ceux qui la maltraitaient. Attristée de ne pouvoir aujourd’hui qu’entretenir ce souvenir, Aélis serra le drap du lit avec amertume. 

Le regard dur, son allié s’était ensuite tourné vers les deux autres garçons encore debout.

— Pourquoi vous lui faites du mal ? avait-il redemandé d’un ton plus grave.

— Elle a les cheveux gris ! C’est… c’est une sorcière ! avait rétorqué l’un des deux tout en la montrant du doigt, mais non sans craindre une attaque de sa part selon la réponse.

 Le garçon l’avait alors regardée, elle et ses fameux cheveux gris. Trop effrayée d’être à nouveau le centre d’attention de tous, elle avait baissé les yeux et avait tenté de cacher sa chevelure sous ses bras. Elle n’avait pas osé lui montrer combien elle souffrait. Pourtant, il avait continué à prendre sa défense.

— Si elle était vraiment une sorcière, cela ferait bien longtemps qu’elle vous aurait jeté un sort, vu comme vous la maltraitez et comment elle parait terrifiée.

Les deux avaient regardé alors Aélis, tremblante, recroquevillée sur elle-même, se cachant la tête avec ses mains et ses bras. L’autre garçon avait finalement décidé de se relever et de prendre la poudre d’escampette. Abandonnés par leur ami, les deux autres l’avaient rejoint dans sa fuite quelques secondes après. 

 

Aélis observa la pièce dans laquelle elle se trouvait à présent. Sa chambre. Pas celle du château de ses parents, mais à Althéa. Althéa… Des souvenirs plus présents revinrent à elle. Le mariage avec le Duc Callistar, l’attaque, Sampa, Cléry et Finley, et puis Margaux qui devait être sauvée. Et puis plus rien. Elle soupira. Elle se toucha les côtes, là où elle avait senti l’impact de l’orbe magique contre son corps. Elle souleva ses vêtements et remarqua qu’elle n’avait aucune marque hormis sa blessure au coude. Elle s’en étonna. Elle avait pourtant bien senti l’énergie magique la pénétrer violemment au moment de l’impact. 

— Mon corps absorbe sans doute mieux les coups aujourd’hui, à force d’en prendre…

Elle regarda à nouveau autour d’elle. Tout semblait calme. Elle était dans un lieu plutôt sûr, loin du tumulte auquel elle avait participé avant qu’elle ne tombe à terre. 

— La bataille est donc finie ?

Elle sortit de son lit et se couvrit les épaules d’un châle. Ses vêtements n’étaient plus les mêmes. Combien de temps s’était écoulé depuis qu’elle avait perdu connaissance ? Elle jeta un œil par la fenêtre. Le jardin était vide. Plus d’habitants d’Althéa rassemblés ici pour les protéger. L’ordre semblait être revenu. Elle décida de quitter sa chambre et de trouver plus d’informations. Elle ouvrit la porte et s’avança lentement dans les couloirs du château avant qu’elle ne tombe sur Margaux.

— Duchesse ! s’écria-t-elle, le visage surpris, mais heureux. Vous êtes réveillée ?!

— Bonjour Margaux !

Margaux se précipita sur elle et posa ses mains sur les épaules d’Aélis, plus inquiète. 

— Comment vous sentez-vous ? Vous ne devez pas vous lever ! Il vaut mieux attendre l’avis du médecin.

— Je vais bien ! 

Margaux fronça les sourcils et lui fit faire un demi-tour.

— Vous avez encaissé une attaque d’une grande violence. Vous ne devez pas sous-estimer votre corps. Retournez à votre chambre. Je vais prévenir tout le monde de votre réveil.

— Mais…

Margaux la poussa vers sa chambre, laissant le protocole de côté au profit de l’inquiétude sur la santé de la Duchesse.

— S’il vous plait, Duchesse ! Je me sens déjà suffisamment responsable de votre état. Ne me laissez pas couver plus d’inquiétude.

Aélis ferma les yeux et soupira. Elle accepta finalement de retrouver sa chambre.

— Je vous dois la vie, Madame. Vous n’auriez pas dû prendre un tel risque pour moi. Votre vie vaut bien plus que la mienne. 

Aélis cessa sa progression vers la chambre et fronça à son tour les sourcils.

— Il n’y a pas de vie plus ou moins importante qu’une autre. Une vie est une vie. Chacun entraînera dans sa mort le chagrin de ses proches. Croyez-vous que le chagrin de vos parents est moindre face à celui des miens ? Il serait le même. J’ai agi sur le moment sans vraiment réfléchir à la suite. Vous êtes importante à mon quotidien. Il était normal pour moi de vous protéger. J’en avais fait en plus la promesse à votre père ! Je ne voulais pas perdre quelqu’un de gentil avec moi. J’ai peut-être agi égoïstement aussi, mais je refuse que le chagrin m’assaille de ne plus vous avoir à mes côtés tout comme je refuse de voir la tristesse de votre père quand il m’aurait croisée en ville si je vous avais laissé mourir. Par ailleurs, je suis vivante, donc tout va bien.

Margaux baissa les yeux, touchée par les mots de sa maîtresse.

— Merci, Madame.

Elle s’inclina alors, puis releva la tête avec un grand sourire.

— Moi aussi, je suis heureuse d’être à vos côtés.

Aélis esquissa alors un sourire ravi.

— Mais je pense que celui qui va vraiment être heureux de vous voir aujourd’hui à ses côtés sera le Duc !

Aélis se mit à rougir à la mention du Duc. Elle avait presque oublié qu’elle était à présent mariée et qu’elle avait un époux susceptible de s’inquiéter. Puis elle se rappela comment son mariage avait tourné au vinaigre. La colère la gagna.

— Il ne le sera plus quand je vais exiger de lui quelques explications concernant mon mariage raté !

 

 


=> Chapitre 2