JTV5 : Chap 4

Bonjour à tous !

J'espère que vos vacances ont plutôt bien fini et la rentrée bien commencé. Pour ma part, les corrections ont repris et vont durer tout le mois. Vous ai-je dit que c'est la partie que j'aime le moins ? lol ! Je vous donnerai la date de sortie une fois les corrections finies.

Voici le chapitre 4. Malgré ce nouveau contrat, Ethan reste exigeant et compte bien le montrer à Kaya...

© Jordane Cassidy - 2019


4

EXCLUSIF

 

 

Tout le monde était assis dans le recoin habituel de la salle, hormis Sam et BB. Un sourire plus ou moins équivoque ponctua leur bienvenue, lorsque chacun vit Ethan tenir fermement la main de Kaya.

— Je vois que vous avez réglé vos problèmes… commenta Simon en plissant les yeux devant leurs mains liées.

Kaya se mit à rougir, gênée.

— On a trouvé un nouvel accord… répondit Ethan en haussant les épaules, sans montrer plus d’enthousiasme.

Il s’affala alors sur le canapé, laissant toutefois échapper un petit sourire, et invita Kaya à en faire de même. Cette dernière regarda autour d’elle et repéra BB et Sam au bar.

— Je ne m’assiérai pas si tu restes ainsi, sans t’excuser auprès de Sam ! Que l’on se soit réconcilié, c’est une chose ; que je pardonne ce que tu lui as fait, ça en est une autre ! Il ne méritait pas ton poing dans la figure !

— On ne va pas revenir là-dessus ! Je ne regrette rien ! Il n’a eu que ce qu’il méritait.

— Il n’avait rien fait de mal !

— Il t’a draguée sous mon nez ! Il t’a serrée dans ses bras ! déclara Ethan en haussant le ton.

— Il m’a dit qu’il était jaloux parce que tu avais embrassé Brigitte sur le front et que c’est à cause de ça que son pied avait dérapé, m’obligeant à lui marcher dessus accidentellement. Son excuse pour me déculpabiliser m’a fait rire sur le moment. Je sais très bien que j’ai deux pieds gauches. J’ai trouvé cela vraiment touchant et délicat de sa part de prendre la responsabilité de mes maladresses, en me confiant ses déceptions. Je pense que Sam tient à Brigitte bien plus qu’on ne pourrait le penser et ça m’a fait plaisir qu’il me fasse suffisamment confiance pour me confier son secret. Il n’a fait qu’exprimer sa jalousie à ne pas être à ta place, c’est tout !

Et elle pense m’apprendre quelque chose, là ? Je sais bien qu’il en est raide dingue de BB ! Tsss ! Mais ça ne l’empêche pas d’aller voir ailleurs en attendant ! Tu es tellement naïve, Princesse !

— Donc, pour le rassurer, continua-t-elle, je lui ai proposé un câlin en retour. Même si je ne suis pas Brigitte, je voulais quand même être une cavalière digne de lui et lui montrer que je le soutenais dans sa déception ! En quoi est-ce mal ?

Ethan croisa les bras et grommela. Il reconnaissait bien là le caractère altruiste de Kaya. Toujours à aider son prochain comme si c’était normal. Ça ne l’étonnait même pas, il ne supportait pas pour autant qu’elle aille jusqu’à donner d’elle-même, de son corps, pour le bien des autres.

— Tu pouvais compatir sans forcément lui offrir tes bras !

Kaya renifla et croisa les bras. Simon, Oliver et Barney assistaient à la scène en tentant de paraître détachés, mais gardaient leurs oreilles grandes ouvertes pour ne rien perdre du nouveau conflit qui opposait leur ami et sa chérie.

— Je fais pareil avec toi et tu ne t’en plains pas ! argumenta Kaya, peu convaincue.

Ethan écarquilla les yeux et se releva d’un bond, le regard plus dur.

— Nous, c’est différent ! Nous avons un accord ! Et lui, il a quoi ? fit-il tout en le montrant du doigt. Pourquoi aurait-il la même chose que moi, sans accord ? Tes bras m’appartiennent ! Comme le reste !

Kaya s’esclaffa, abasourdie par son attitude.

— Mais ma parole, tu es jaloux ! déclara-t-elle, comme si c’était en fait la seule réponse à donner à toute cette histoire.

Piqué au vif, Ethan eut un mouvement de recul de la tête et tenta de garder un semblant d’assurance.

— Pas du tout ! Je n’aime simplement pas que d’autres aient les mêmes droits que moi, alors que je suis censé être traité différemment.

Il mit ses mains dans ses poches, pour masquer son trouble devant cette argumentation hasardeuse qui ne convainquit pas du tout Kaya. Oliver se retint de rire. Simon et Barney se regardèrent avec un grand sourire complice, heureux d’assister à un spectacle qui valait son pesant d’or : Ethan pris en flagrant délit de jalousie. Et il pataugeait grave face à Kaya !

— Ethan, ce n’est pas parce que je prends quelqu’un dans mes bras que je lui fais tout ce que je fais avec toi. On en a déjà parlé : le réconfort, ce n’est pas que le sexe, c’est aussi une main tendue vers l’autre, un sourire, une attention ou une simple étreinte pour signifier qu’on est là. Et on peut faire cela aussi à ses amis. Il y a une grande différence entre lui et toi, tu ne crois pas ? L’ai-je embrassé ? A-t-il glissé ses mains sous mes vêtements ? Notre réconfort a pris une direction pour le moins bizarre, déroutante, très particulière, mais c’est un accord voulu entre deux parties et je peux t’assurer que tu es le premier homme avec qui je signe ce genre de compromis !

Elle soupira, lasse.

— Je commence à cerner l’homme face à moi et je vois bien que tu as des besoins spécifiques. Je ne comprends pas encore tout dans ton fonctionnement et ne mesure pas encore tout ce que tu attends de moi, mais je peux t’assurer que je ne ferai pas à Sam ce que je fais avec toi !

— Qui sait où sont tes limites ! répondit-il du tac au tac. Qui sait comment il pourrait t’amadouer pour en arriver là où il souhaite te conduire. Tu es parfois si naïve !

Choquée par ses propos, Kaya ouvrit sa bouche, puis fronça les sourcils, maintenant très agacée.

— Sympa, la confiance ! Tu me prends pour qui au juste ? Une idiote ? Une des bimbos de ton répertoire, prête à baiser pour se faire entretenir ? J’aime Adam et ce que je fais avec toi, ça me suffit largement ! Je me prends déjà assez la tête comme ça avec toi ! Pas besoin de rajouter un nouvel élément à la donne ! Les bras de Sam ne sont clairement pas les tiens ! Il n’est pas un connard, comme toi ! Donc pas de souci ! Il n’aura jamais ton niveau !

Ethan grimaça à sa moquerie, puis sourit.

— C’est vrai qu’il est loin de m’égaler à ce niveau ! Je suis le meilleur !

Kaya fit une moue dépitée par sa façon de rebondir.

Je rêve ! Il en est fier ! Roi des prétentieux, en plus d’être Roi des connards !

— Ce n’est pas à prendre comme un compliment ! grinça des dents la jeune femme, blasée de son attitude arrogante.

Plus hautain que jamais, Ethan se redressa devant l’idée d’avoir une particularité qui faisait de lui une exception. Compliment ou pas, le connard qu’il était ne devait pas s’en formaliser. Il était ce qu’il voulait être et son cœur se regonfla de bonheur. Tout ce qui comptait n’était pas ce qu’on pensait de lui, mais bien les avantages qu’il en tirait. Et elle affirmait qu’il était bien spécial à ses yeux. Unique. Le meilleur dans sa catégorie. Oliver s’esclaffa et Simon se tapa le front, navré d’avoir un ami aussi pathétique sur ses principes. La fierté d’être un connard était de loin ce qui satisfaisait le plus Ethan et Kaya avait mis le doigt dessus. Ethan passa alors son bras autour du cou de la jeune femme pour la ramener contre lui.

— Aïe ! Doucement ! gémit Kaya sous sa force.

— OK, je veux bien m’excuser parce qu’effectivement, il ne m’arrivera jamais à la cheville ! Mais si vous refaites ça, je l’explose ! Compris ?

Kaya leva les yeux, désabusée par sa menace de gamin.

— Si tu le touches, c’est moi qui explose ta gueule de connard ! répondit-elle alors, peu impressionnée. Tu feras moins le fier, crois-moi ! Et je sais où taper pour que tu t’étales ! On ne touche pas à mes amis !

Ethan se trouva déconcerté par sa répartie. Il se mit à rire, imaginant par quels moyens elle pourrait le massacrer.

Elle en serait bien capable en plus !

— J’aime quand tu me montres autant de tendresse, Princesse ! Tu es si mignonne quand tu grognes ! Grrr ! Miaou !

— La ferme ! rétorqua-t-elle, tout en lui donnant un coup dans le ventre.

Ethan se plia un peu sous la douleur, mais garda ses yeux pétillants de bonheur. Elle n’avait pas frappé la zone interdite. Il avait encore une marge de manœuvre. Simon pouffa suffisamment fort pour que le couple se retourne vers eux. Aussitôt, Barney regarda ses chaussures Oliver but une grande gorgée de vodka et Simon, pris en flagrant délit, regarda également pour donner le change les chaussures de Barney, comme s’il voyait l’objet le plus intrigant au monde. Ethan marmonna, comprenant rapidement que ses amis avaient suivi leur petite discussion et qu’ils n’étaient pas si innocents que ça dans leur jugement.

— C’est ton ami aussi, tu ne peux pas l’ignorer comme ça… se renfrogna Kaya. Arrête de réagir comme si tout n’était qu’un jeu. Un ami, c’est quelque chose d’important. Il n’y a rien de pire que d’être seul…

Ses yeux se baissèrent et une certaine mélancolie apparut dans les yeux de la jeune femme. Ethan le nota immédiatement et comprit vite que l’expérience parlait pour elle. Il regarda à nouveau ses amis sur la banquette, presque en train de siffler pour montrer leur indifférence, et sourit.

— Je ne l’ignore pas ! déclara-t-il calmement. C’est juste que ça m’a énervé qu’il t’approche comme ça alors que moi, je ne pouvais pas ! Ma frustration a explosé. C’est tout. Même les amis peuvent être les pires traîtres ! lança-t-il un peu plus fort, à l’attention de Simon, Oliver et Barney. Surtout quand il s’agit des femmes !

Kaya pouffa et lui chantonna à l’oreille un « Jaloux ! Monsieur est jaloux ! » avant de lui tirer la langue. Ethan pesta, mais retrouva vite de quoi répondre pour ne pas s'arrêter dans ce qu’il jugeait comme complètement inconcevable.

— Tu l’as dit toi-même. Je n’ai pas à être jaloux puisqu’aucun homme n’arrive à la cheville du connard que je suis ! Essaie toujours de me faire dire ce que tu veux, tu n’y arriveras pas !

Il serra avec espièglerie le bout de son nez avec ses doigts, puis posa vite fait sa bouche contre celle de Kaya, avant de lui offrir un énorme sourire satisfait. Il lui attrapa la main sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit et tous deux se rendirent au bar. Kaya sourit discrètement, voyant finalement que la conclusion de tout ça était qu’il resterait toujours fidèle à lui-même. Alors qu’il la tirait sans ménagement là où il le souhaitait, elle observa son dos, carré, imposant, puis sa nuque et ses cheveux. Ethan était à ses yeux un étalon sauvage. On pouvait tenter de le domestiquer, il finissait toujours par retrouver sa liberté, par faire ce qui lui plaisait, à sa façon. Il se fichait bien de bousculer les codes tant qu’il gardait sa ligne de conduite, tant que son propre plaisir restait intact. Elle admirait cette liberté qu’il prenait à se foutre de ce qui était du convenable ou pas, à garder cette fougue plus ou moins insouciante, à n’en faire qu’à sa tête. Était-ce ça la recette du bonheur ? Contre toute attente, sa philosophie de vie se répercutait aussi sur elle. Elle était heureuse aussi, à voir qu’il prenait de plus en plus compte de ses remarques, qu’il l’écoutait et pouvait suivre ses conseils malgré ses réticences, mais aussi à constater qu’elle commençait à adhérer à son fonctionnement avec plus de compréhension. Sa poitrine se gonfla de bonheur : ils arrivaient à mieux se comprendre malgré leurs caractères opposés.

Brigitte et Sam se faisaient face. Un tube de pommade à la main, BB lui appliquait sans doute de la pommade contre les coups, la même que Kaya avait dû étaler sur Ethan lors de sa bagarre, la dernière fois.

— BB, là ! supplia Sam. Tu vois, mon beau visage est en train de gonfler ! Soigne-moi encore !

— Arrête de faire l’enfant ! Il ne t’a pas touché au front !

— Et alors, tout mon être souffre ! Tu pourrais au moins me donner un bisou guérisseur !

Ethan se posta juste devant Sam et Brigitte en silence, le visage fermé, la mâchoire serrée. Tous deux s’interrompirent et le scrutèrent de la tête au pied, se demandant à nouveau ce qu’il allait tenter de faire contre eux. Kaya donna un coup dans le dos pour qu’Ethan se lance. Celui-ci soupira, levant les yeux.

— Je n’aurais pas dû ! Voilà ! déclara rapidement Ethan, à la fois de façon nonchalante, mais gênée.

Sam et BB le fixèrent sans trop comprendre à quoi il jouait.

— Tu pourrais mettre un peu plus de conviction ! lui souffla Kaya derrière lui. Tu exagères ! Sois plus clair ! Ça ne va pas t’arracher la langue de t’excuser ! Tu l’as fait pour moi, tu peux le faire pour les autres !

Ethan se retourna vers elle, furibond.

— Ça va ! C’est bon ! J’ai compris ! Sam est mon pote et je dois faire la paix ! Je sais ! Pas besoin d’un chaperon pour me dire ce que je dois faire ! Et ce que je te dis, je ne le dis pas forcément aux autres ! C’est parce que c’est toi, je n’ai pas le choix ! Est-ce clair ?

En analysant ses paroles, Kaya se mit à rougir, perplexe.

Je n’ai pas demandé un traitement de faveur, moi…

Ethan refit face à Sam, tout en râlant. Sam loucha sur son ami, attendant la suite. Ethan trépigna sur place quelques secondes avant de lui tendre son poing et tourner la tête en marmonnant un « je te demande pardon ». Brigitte se mit à sourire devant son initiative qui devait lui coûter beaucoup et regarda Sam pour vérifier sa réaction. Ce dernier observa son poing avec attention.

— Me demandes-tu pardon parce que tu as embrassé BB sur le front ou parce que tu acceptes que je prenne Kaya dans mes bras ?

Un sourire plein de malice s’étira sur les lèvres de Sam. BB et Kaya lancèrent un « Saaam ! », dépitées de constater qu’il cherchait encore les histoires, qu’il le provoquait volontairement, alors qu’Ethan prenait déjà beaucoup sur lui.

— C’est pour mon coup de poing ! Ne crois pas que je vais m’excuser du reste ! Je n’ai rien à me reprocher.

— Tu assumes donc ? lui demanda Sam tout en plissant ses yeux, avant que BB lui donne un coup à l’épaule pour qu’il arrête de chercher la petite bête. Sam lâcha un grognement de douleur tout en lui montrant un visage d’innocent incompris, cherchant juste la vérité.

Ethan redescendit son poing et le fixa.

— Et comment que j’assume ! Mes intentions ont été bonnes, autant pour BB que pour Kaya.

Ethan jeta un regard furtif vers BB, gêné de devoir oraliser ainsi ce qu’il voulait toujours nier. Il passa sa main dans les cheveux et souffla.

— Brigitte est… mon amie.

Brigitte écarquilla les yeux devant cet aveu. C’était la première fois qu’il affirmait avoir une telle relation avec elle. Sam considéra ses propos avec gravité, cherchant à savoir jusqu’où il jouait la sincérité. Ethan le comprit et tira ses lèvres dans un rictus montrant son embêtement.

— BB… Tu es très professionnelle, tu es quelqu’un de fidèle et je sais que je peux compter sur toi. J’ai besoin de toi pour différentes raisons, mais toi et moi… on ne sera jamais…

— Je sais, Ethan ! le coupa-t-elle. J’ai compris.

Brigitte lança un coup d’œil à Kaya, puis regarda à nouveau Ethan et lui sourit de façon complice.

— Il y a des choses qui parlent d’elles-mêmes ! ajouta-t-elle. Ne t’inquiète pas. Je ne suis pas ce qu’il te manque et je le sais bien.

Ethan baissa les yeux, puis sourit.

— Tu me manquerais toujours si tu venais à ne plus être là…

Émue, BB se trouva surprise de l’entendre dire ces mots, bien qu'elle sache que les chemins de l’amour ne se rencontreront jamais pour eux. Elle baissa les yeux, heureuse. Elle ne perdait pas tout, et ne doutait pas de la sincérité de ses paroles. Ethan n’était pas homme à dire des fadaises par compassion. Il était toujours franc, direct, et il venait de lui montrer toute la considération qu’elle avait acquise en tant qu’amie. Elle lia ses mains contre sa poitrine, son cœur pris en étau entre la profonde tristesse d’être vraiment rejetée comme amante potentielle et une grande reconnaissance d’être devenue une amie chère à ses yeux.

— Moi aussi, je t’aime ! lui déclara-t-elle timidement, sous le regard attendri de Kaya et celui paniqué de Sam.

Ethan ne répondit rien à sa déclaration. Il se contenta de sourire, sachant bien que cette simple phrase signifiait beaucoup pour Brigitte. Sam souffla, peu heureux de l’entendre prononcer ces mots, même si c’était une façon pour elle de tourner peut-être la page, de ne rien regretter. Il savait qu’elle était blessée. Malgré tout, il pouvait cerner dans son regard une fierté et une résignation heureuse qui le rassura.

— Hé ho ! Vous avez fini vos petits mots doux, là ! rétorqua Sam finalement, pour ne pas tomber dans la tragédie. T’es là pour moi ou pour jouer encore les beaux parleurs avec les femmes, Ethan ?

Ethan leva les yeux et soupira. Brigitte frappa à nouveau le plaignant et Kaya se mit à rire. Il lui retendit son poing de façon nonchalante.

— Kaya est ma Princesse alors, méfie-toi, car la prochaine fois, t’es un homme mort !

Kaya se mit à rougir à nouveau devant l’aplomb d’Ethan à reconnaître tout haut sa possessivité.

« Ma » Princesse ? Vive Monsieur Exclusif !

Sam s’esclaffa.

Il s’excuse vraiment, là, ou il me cherche encore ?

Il visa son poing tendu vers lui, puis grimaça. C’était bien du « Ethan » tout craché. Il tapa malgré tout son poing contre celui de son ami pour conclure l’armistice et clore l’affaire.

— Garde ton avertissement pour toi ! répondit Sam. Je passe pour cette fois parce que tu as parlé à ma BB. La prochaine fois, je te zigouille ta tronche de connard si tu oses la tripoter avec tes lèvres ou autre !

— Tsss ! siffla Ethan tout en retirant son poing aussi vite et en croisant les bras. Tripoter ? Rien que ça ! T’exagères pas un peu ? Et toi, tu as fait quoi à Kaya, hein ?

— Rien de pire que ton geste envers ma BB ! répondit Sam, faussement énervé. Garde tes lèvres vicieuses pour Kaya et ne va pas embêter ma BB !

— Vicieuses ? Vicieuses ! Je ne suis pas vic…

— Parfait ! Et bien moi, je vais danser maintenant ! s’enthousiasma Kaya, prompte à couper court à leurs batailles de coqs et ravie de voir une affaire réglée malgré leurs mots extrêmes.

Elle frotta la tête d’Ethan comme si elle caressait la tête de son chien pour le féliciter et s’éloigna d’eux. Ethan grommela à nouveau suite à sa façon si particulière de le ridiculiser en le provoquant sans cesse. Brigitte se mit à rire de le voir gêné et maladroit devant Kaya.

— Elle t’a à sa botte, c’est incroyable ! signala BB, avec amusement.

— C’est vrai ! ajouta Sam. Où est notre Ethan froid et distant avec les femmes ? Tu lui manges dans la main.

Kaya fit signe à Simon de venir la retrouver sur la piste de danse. Ethan la surveilla un peu avant de regarder à nouveau ses amis.

— N’importe quoi ! rétorqua-t-il, tout en serrant les dents.

— Mais oui ! On y croit ! commenta Sam, toujours aussi querelleur, mais attendri par son joli mensonge.

Ethan se mit à rougir, sachant très bien que depuis qu’il était entré dans ce club, il n’arrivait même plus à masquer quoi que ce soit à ses amis. Oliver, Brigitte ou Sam, c’était pareil. Tous avaient remarqué son changement de comportement dès qu’il s’agissait de Kaya.

— Bon, OK. Mais alors juste un peu… avoua-t-il entre ses dents, tout en évitant leurs regards.

Sam et BB se regardèrent de façon complice.

— Tu n’as pas à avoir honte, Ethan… lui dit posément BB. Quand vous êtes tous les deux ensemble, on voit bien qu’il se passe quelque chose entre vous. Quelque chose de spécial. Je te l’ai dit. Tu agis différemment…, mais ça te va bien.

Ethan fixa BB comme si elle avait dit la pire absurdité au monde et pourtant, tout son corps se trouvait réceptif à ses mots. Il regarda à nouveau la scène, regrettant déjà de l’avoir laissée partir loin de lui. C’était plus fort que lui. Maintenant qu’il savait qu’il pouvait profiter de ses bras et ses lèvres, il ne voulait plus perdre de temps. Il y avait bien quelque chose de spécial dès qu’il était avec elle. Cependant, il savait aussi qu’il ne devait pas se montrer trop pressant ni collant, qu’il devait garder une distance pour ne pas faire douter Kaya et pour ne pas tomber trop rapidement dans une déception qu’il refoulait au plus profond de son être. Une vague sensation d’impuissance l’envahit. Il voulait, mais n’osait pas. Il désirait, mais ne pouvait laisser parler ses envies entièrement. Sam le contempla, amusé de ses yeux inquiets, rivés sur la piste de danse.

— N’angoisse pas ! souffla Sam. Tout le monde a vu ton sketch avec moi tout à l’heure, donc je doute qu’un autre homme tente quoi que ce soit sur elle, ce soir ! Mais ta jalousie est mignonne !

— Je ne suis pas jaloux, bon sang ! Vous êtes tous soûlants !

— C’est ça ! Et la marmotte met le chocolat dans le papier d’alu ! ajouta Sam, encore plus moqueur.

— Tu l’aimes ? se hasarda à demander Brigitte, de façon douce.

Ethan la regarda une nouvelle fois, choqué par sa question. Brigitte regretta vite sa demande face au regard dur d’Ethan. Pourtant, elle se sentait pousser des ailes depuis qu’il lui avait montré qu’elle lui resterait chère à ses yeux quoiqu’il arrivait. Rien ne lui semblait si grave maintenant, comme si rien ne pouvait effacer cette nouvelle entente entre eux.

— Tu peux nous le dire ! Promis, je ne me moquerai pas ! ajouta Sam. Du moins, j’essaierai !

Brigitte leva les mains comme si elles reflétaient l’innocence. Et Sam lui offrit le sourire le plus faux possible pour montrer toute l’innocence de sa démarche. Ethan plissa les yeux, méfiant.

— On ne lui dira rien, promis ! insista BB, sincère.

Ethan considéra l’un, puis l’autre, et soupira. Il n’avait pas peur d’une trahison. Il n’avait pas peur de leur parler non plus, même si d’ordinaire, il gardait tout pour lui. La seule vérité était qu’il ne savait quoi répondre pour exprimer ce qu’il ressentait. Il regarda à nouveau la piste de danse où Kaya se déhanchait avec joie en compagnie de Simon.

— Je ne sais pas si le mot « aimer » est suffisant pour dire ce que je ressens quand je suis avec elle… Mais s’il s’agit de dire que j’en suis au point où je ne peux plus me passer d’elle, alors oui, je l’aime. S’il s’agit d’avouer que ma vie sans elle est terne et que je m’ennuie, alors oui, je l’aime également. S’il suffit de ressentir puissance dix, tout ce qu’elle me fait vivre pour dire que c’est de l’amour, alors oui, je l’aime toujours ! Mais ce qui est sûr, c’est que tout ça n’est rien comparé à tout ce que mon cœur peut encore exprimer à son sujet !

Brigitte et Sam regardèrent leur ami, interloqués. L’écouter parler ainsi leur semblait irréel. Et pourtant, les yeux perdus d’Ethan contemplant Kaya sur la piste ne permettaient pas le doute quant à sa sincérité. Sa voix avait été posée, même si elle était chargée d’une certaine émotion. Sa posture ancrée au sol démontrait aussi cette assurance malgré ses peurs. Son cœur parlait, ses yeux aimaient. Brigitte se mit à sourire. Voir Ethan prononcer de tels mots était surréaliste, mais magnifique. C’était bien la première fois qu’elle l’entendait avouer une telle affection pour quelqu’un. Elle en était jalouse, mais en même temps savait très bien qu’une telle déclaration ne pouvait qu'être destiné à une personne très particulière à ses yeux. Kaya était cette personne. Depuis le début, elle avait pris une place spéciale dans sa vie. Il n’avait pas su comment interpréter jusque-là tout ce qu’elle déclenchait en lui, mais ce soir, tout semblait ressortir comme un besoin évident d’extérioriser ce qui bouillait dans son cœur. Sam resta pantois plusieurs secondes, complètement halluciné par les mots d’Ethan. Non seulement il ne reconnaissait pas son ami, mais il ne l'imaginait même pas exprimer de si belles choses, avec autant d’aisance et de franchise.

Qui ne serait pas admiratif et attendri par de telles paroles ?

Instinctivement, il tourna la tête vers Brigitte et soupira.

Évidemment, quelle femme ne craquerait pas devant ce poseur ? Il m’énerve !

— Oui bon bah, c’est bon, on a compris ! marmonna Sam, un peu jaloux de ne pas avoir sa répartie. Tu es raide dingue d’elle !

Il attrapa aussitôt la main de BB et fixa les yeux de la jeune femme avec détermination.

— Ne l’écoute pas ! Il nous la joue troubadour des cœurs, mais je peux t’assurer que tout ça, c’est du pipeau par rapport à tout ce que moi, je peux faire ! C’est un Casanova de pacotille, comparé au Dom Juan que je suis !

— Dom Juan ?

Brigitte avala ses mots avec dépit. Au mieux, elle s’amusait à le voir se justifier de façon pitoyable d'être le meilleur petit ami au monde comparé à Ethan. Elle lui caressa la mâchoire et soupira.

— Il a vraiment cogné fort pour que tu en viennes à débiter autant de conneries, mon petit Sam. Je sais que tu es capable de dire bien mieux pour avoir une femme dans ton lit. Tu ne m’apprends rien. Plus tu chantes la sérénade et plus nous savons, nous les femmes, que c’est bidon ! Ne t’inquiète pas ! Inutile de me le dire, j’avais cerné ta personnalité depuis longtemps. Je ne suis ni surprise ni déçue. Je te connais, tu sais !

Elle lui tapota ensuite la joue en lui souriant et regarda à nouveau Ethan qui n’avait toujours pas changé de sujet d’observation depuis sa tirade.

— Ce n’est pas des conneries, BB ! Je suis très sérieux ! Je peux être dix fois plus romantique que lui, même mille fois plus ! C’est juste que tu ne le sais pas, car tu n’as pas encore tout vu de moi !

— Heureusement que tu me préviens ! lui dit-elle tout en reportant à nouveau son attention sur lui. Merci pour l’information ! Je serai donc encore plus méfiante sur toutes tes tentatives venir !

Elle lui fit un clin d’œil amusé et caressa le dos de sa main.

— Tu sais bien que tu es toujours la première à tout savoir sur moi ! lui répondit-il également avec un clin d’œil.

— Je vous laisse ! les interrompit Ethan, tout en amorçant déjà ses pas vers la piste de danse.

Sam et BB l’observèrent un instant avant que Sam ne sourie à nouveau.

— BB ! J’ai toujours mal ! Soigne-moi encore !

BB soupira d’exaspération.

— Commande-moi plutôt à boire ! J’ai besoin d’oublier !

Sam arrêta aussitôt ses facéties et lui sourit sincèrement. Il lui fit une accolade amicale tout en la secouant légèrement comme pour la bercer et la réconforter, avant d’appeler le barman. Pendant ce temps, Ethan se posta devant Kaya, en train de danser avec Simon et Barney. Il posa ses mains sur ses hanches et resta silencieux, malgré son air de reproche. Kaya le détailla des pieds à la tête et leva les sourcils d’un air amusé.

— C’est comme ça que tu danses ? C’est une nouvelle mode que tu tentes de lancer ? lui dit-elle d’un ton moqueur.

— Je t’attends pour assumer ta promesse. Ça devient long !

Elle le jaugea un instant pour comprendre de quoi il parlait, puis s’esclaffa de son impatience.

— Tu n’es pas le seul à qui j’ai fait une promesse ce soir, donc, comme je ne peux pas encore me partager en deux, il va falloir que tu saches me partager !

Ethan fronça les sourcils, peu volontaire à aller dans son sens.

— Je ne partage pas !

Aussitôt, il l’attrapa par le haut du bras et la sortit de la piste afin de trouver la première banquette libre venue. Kaya pesta tout en tentant de se débattre, mais la poigne ferme d’Ethan rendait son bras douloureux. Il s’assit sans ménagement sur la banquette et incita fermement Kaya à en faire autant, tout en la tirant à lui. Tout aussi délicatement, il attrapa les jambes de la jeune femme et les posa par-dessus ses cuisses. Kaya se laissa faire, partagée entre colère et curiosité quant à ses intentions.

Il la fixa droit dans les yeux, puis fondit sur ses lèvres sans plus de concertation. Un baiser empressé, mais doux, vint caresser sa bouche. Une douce sensation d’enveloppement, chaud et délicat, happa Kaya immédiatement. Elle se retrouvait en terrain familier. Ethan posa sa main sur sa joue et réitéra son geste, à la fois avide et appliqué. Intriguée de son comportement si emporté, Kaya loucha sur lui maladroitement et put lire dans ses prunelles une inquiétude dont il devait vouloir faire cesser l’existence par ses baisers. Elle se laissa alors faire, répondant sans mal à sa demande. Ethan réclama rapidement sa langue pour approfondir l’assouvissement de son besoin. Quelque chose d’animal exultait de lui et une tension sexuelle bien connue des deux se manifesta aussitôt entre leurs deux corps. Le ballet de leurs langues affirmait le besoin d’attentions de chacun. Kaya ferma les yeux et se laissa emmener dans la douceur de son baiser, la faisant voyager loin de ce club. Elle passa ses bras autour du cou d’Ethan et tous deux occultèrent progressivement les bruits et toute forme de présence autour, pour se laisser dériver dans la douceur de leurs baisers. La main d’Ethan quitta la joue de Kaya pour se balader le long de la jambe de la jeune femme. Sans attendre, la libido de cette dernière augmenta exponentiellement avec ses caresses.

— Putain, Kaya… Partons… gémit-il entre leurs lèvres.

La requête d’Ethan sonnait comme une supplique que Kaya avait beaucoup de mal à contredire. Pourtant, la raison restait plus forte que le bouleversement qu’il tentait de soulever en elle pour la faire perdre pied. Elle repoussa son visage gentiment et posa un baiser sur le bout de son nez.

— Ta possessivité est très touchante, mais je suis venue pour m’amuser et profiter de ce réveillon. J’ai d'abord promis à Simon de passer la soirée avec lui et j’en ai vraiment envie. Je peux aussi bien danser avec lui qu’être près de toi, non ? Ethan, profitons tous ensemble de cette soirée, s’il te plaît… Nous avons toute la nuit pour faire ce que tu veux.

Ethan colla son front contre celui de Kaya et soupira. Il n’était pas sa priorité et l’encaissait difficilement. Il voulait être son exclusivité tout comme elle l’était pour lui. Kaya lui caressa les cheveux pour tempérer l’agacement qu’il montrait à la voir repousser ses avances.

— J’aime bien tes amis, tu sais. Ils sont très gentils avec moi et je suis contente de les avoir rencontrés par ton intermédiaire. Tu as beaucoup de chance d’être si bien entouré. Comprends-moi… Je ne veux pas me les mettre à dos, parce que tu monopolises mon attention ou parce que je crée des conflits entre vous. C’est la dernière chose que je veux…

Ethan plongea ses yeux dans ceux de Kaya qui lui sourit tristement. Elle déposa un léger baiser sur sa bouche pour minimiser la gravité de l’agacement plus ou moins feint d’Ethan de ne pas se retrouver seul avec elle, chez lui.

— Je sais que tes amis ne font pas partie de notre arrangement… ajouta-t-elle. Le contrat est clair : on ne se retrouve que pour ce qui est de l’ordre du réconfort et je n’ai donc pas à m’incruster de façon exagérée dans ta vie. C’est même gonflé de ma part de te demander de me laisser m’amuser avec eux maintenant, alors que ce n’est pas dans ce qui était convenu. Je suis peut-être maladroite, mais…

— OK, j’ai compris ! coupa alors Ethan. Tu aimes mes amis. J’ai compris ! C’est bon !

Kaya grimaça, alors qu’il se détachait un peu d’elle. Il passa sa main dans les cheveux et regarda la piste de danse où Simon dansait avec Barney. BB était toujours avec Sam au bar. Ils semblaient plaisanter tous les deux tout en avalant chacun cul sec des verres de téquila.

— Ça ne me gêne pas… déclara-t-il alors. Dans d’autres circonstances, ça m’aurait gêné que l’on joue la bonne amie avec mes amis. D’ailleurs, j’ai toujours mis une distance entre mes conquêtes et mon entourage, amis ou famille. Mais bon, avec toi, je n’ai pas eu le choix. J’ai dû les inclure dans notre projet de signature afin de convaincre Laurens d'investir dans Abberline Cosmetics. Il me serait malvenu de te reprocher maintenant de jouer l’étrangère avec eux. Eux-mêmes semblent t’apprécier au point que je n’ai même plus crédit à m’interposer entre vous. Seulement…

Il tourna à nouveau la tête vers elle et la détailla de la tête aux pieds. Kaya rougit devant cet examen très déstabilisant. Son regard était à la fois doux et carnassier. Il s’allongea à nouveau sur elle, posa doucement ses lèvres sur celles de la jeune femme et souffla de plaisir.

— Ça fait des jours que j’attends que tu acceptes ma proposition de consolation mutuelle, Kaya. Maintenant que tu as dit oui dans ce bureau, que le test de l'autre jour avec l'anniversaire de la mort d'Adam a été validé, je ne tiens plus en place. Je suis pressé. Je ne veux plus perdre de temps. Je veux profiter, moi aussi, de cette soirée. Avec toi. Sans retenue ! Je te l’ai dit : je suis frustré. Encore ! Même après notre passage câlin dans le bureau tout à l’heure.

Il embrassa à nouveau Kaya en appuyant un peu plus ses lèvres contre celles de la jeune femme. Kaya ressentit son empressement, mais aussi la sincérité de ses mots dans son baiser. Elle s’étonna de voir qu’ils parlaient un peu plus de ce que chacun attendait de l’autre. Pas de hausse de ton, pas de dispute. Ils tentaient juste de négocier calmement. Elle sourit devant ce constat. Ethan se montrait doux. Son impatience à ne pas réaliser son objectif comme il le voudrait n’engendrait pas un entêtement dans ses décisions comme à son habitude. Il n’imposait pas son point de vue comme unique solution valable. Il restait ouvert à la discussion. Ce comportement fit du bien à Kaya. La lutte se transformait en échange fait de concessions. Ils évoluaient enfin vers quelque chose de plus adulte, plus responsable, moins emporté. Ethan attrapa sa lèvre inférieure avec ses dents et tira doucement en grognant pour augmenter leur supplice à tous les deux et qu’elle craque en sa faveur. Il la contempla tout en tirant toujours un peu plus, jouant avec la douleur qu’elle pouvait y ressentir. Plus il tirait, plus elle se sentait obligée d’avancer vers lui pour ne pas avoir mal. Lorsqu’elle râla pour de bon, Ethan lâcha un rire et arrêta son supplice pour effacer sa douleur par un baiser. Puis, il en réitéra un second, et un troisième.

— OK ! fit Kaya. Je reste un peu avec toi et après j’y retourne. On alterne !

Ethan se recula et s’éloigna d’elle sur une autre banquette perpendiculaire à celle où elle était assise. Ce recul indiquait qu’il n'était vraiment pas ravi de cette alternance et qu'il avait besoin de reprendre de son flegme légendaire. Elle l’agaçait et la palpitation chronique de sa mâchoire indiquait que sa proposition allait lui revenir avec fracas dans la figure. Il étendit ses bras sur le dessus de la banquette et croisa les jambes, puis pencha la tête sur le côté tout en plissant les yeux. Son attitude silencieuse, mais digne du connard qui préparait son plan implacable, inquiéta tout à coup Kaya. La légèreté qu’elle avait tenté de mettre entre eux perdait en force. La supériorité de pouvoir qu’elle affichait quelques instants plus tôt dans leur compromis s’effritait sous le regard calculateur d’Ethan. Les lèvres sadiques du persécuteur s’étirèrent alors, signe évident qu’il avait trouvé la répartie pouvant mettre à mal l’argumentation de son contrat.

— On est en séance… déclara-t-il, les yeux perçants. Je demande donc un réconfort auquel j’ai droit. J’ai tous droits de solliciter, pourvu que ça me soulage. Si je te veux Kaya, c’est entièrement. Pas par morceaux ou avec la moitié de ton attention ! Je veux que tu me considères comme je te considère quand on est en besoin de l’autre. Je veux être ta priorité comme tu es la mienne. Mes amis doivent passer après le contrat. Le contrat est prioritaire en terme de promesses à tenir.

Kaya s’esclaffa en réalisant qu’il se fichait bien de sa relation avec ses amis et qu'il préférait son égoïsme. Elle inspira profondément pour reprendre courage et ne pas se laisser déstabiliser par son discours.

— Très bien. Alors, ce soir, je ne suis pas disponible pour un réconfort. Affaire réglée ! Tu veux tout ou rien... eh bien, ce sera rien !

Elle se leva et fronça ses sourcils, avant de partir retrouver Simon et Barney. Ethan pesta, puis lâcha un râle d’insatisfaction à voir qu’il était toujours à fleur de peau dès qu’elle le mettait au défi, à constater qu'elle avait encore gagné et qu'elle se fichait bien de ses demandes insistantes. Complètement chamboulé, il se laissa tomber contre la banquette. Sa tête contre le sofa, il tenta de remettre de l’ordre dans son esprit, mais tout son corps semblait avoir fait un marathon le laissant flasque. Elle était en train de le tuer à petit feu.

Ça devient plus que grave… Je ne vais pas tenir longtemps à ce jeu. Elle me mène vraiment par le bout du nez ! Elle a toujours la répartie pour me contrer et me laisser sur le carreau.

Une insidieuse impression de peur et d’inquiétude coulait dans ses veines. Le moindre faux pas pouvait lui faire tout perdre des promesses faites en cette soirée, dans le bureau du club, avec ce nouveau contrat. Ce contrat ne le protégeait de rien. Il s'en rendait compte à présent qu'elle lui avait tourné le dos. Elle pouvait rester libre de toute contrainte si elle le souhaitait. Il regarda la piste de danse et observa Kaya sourire devant Simon. Elle avait charmé tout le monde. Il savait que l’obliger à quitter les lieux maintenant était un acte purement égoïste. Il savait qu’en faisant cela, il attristerait Simon qui ne lui avait pas caché sa joie de voir Kaya ce soir. Kaya était une femme incroyablement déstabilisante. Elle arrivait à se faire adopter sans difficulté par tous ceux qu’elle rencontrait. Elle avait même influencé sa propre relation avec ses amis et sa famille, en l’obligeant à aller plus vers eux. Une certaine fierté envahit son cœur. Il était heureux de ces prouesses. Malgré tout, ce charme naturel était ce qu’il adorait autant qu'il pouvait l’agacer avec le temps, car chaque nouvelle rencontre qu’elle faisait l’obligeait à partager de leur temps ensemble avec ces nouvelles personnes. Du temps qu’elle ne partagerait plus entièrement avec lui. Du temps qu’on lui volait et qu'il se refusait d’offrir, même par altruisme. Du temps qu'il avait déjà du mal à trouver avec elle...

J’ai dit que je ne partageais pas, Kaya ! Je vais tout faire pour que tu ne perdes pas le temps qui m’est dû. Crois-moi ! Tu vas le comprendre !

Il se redressa d’un bond et alla vers la piste. Kaya remarqua immédiatement s’avancer sa grande stature vers eux, sans aucun sourire. Simon afficha un grand sourire face à sa venue et s’agita un peu plus sous le rythme de la musique. Ethan ignora Kaya, ne lui parla pas, mais resta très avenant avec les autres. Visiblement, il avait opté pour la démonstration du « comment bouder avec classe ». Elle leva les yeux devant ce qu'elle jugeait comme des caprices de gamin.

Pourquoi vas-tu dans de telles extrêmes ? Tu pourrais continuer à me parler quand même...

Pourtant, le fil de la soirée se déroula avec une distance de plus en plus marquée venant d'Ethan. Au bout de deux heures, Kaya serra les dents, de voir qu’elle ne maîtrisait rien de leur relation, qu’il avait raison de croire qu’il avait tout pouvoir sur elle avec ses simagrées. Ethan se laissait porter par l’ambiance et ne réclamait rien à Kaya depuis leur accrochage. Pas même une attention ou un geste pour elle. Rien. La distance d’Ethan laissa Kaya dans une certaine frustration. Elle se voyait mal sauter sur sa bouche alors qu’elle lui avait dit qu’elle ne souhaitait pas de séance de réconfort. Était-il finalement vexé ou jouait-il volontairement l’indifférence pour l’agacer un peu plus et la prendre à contre-pied sur ses attentes ?

Et il y arrive, le bougre !

Kaya ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine déception. Elle pensait pouvoir tout gérer, lui faire comprendre qu'il n'était pas systématiquement une priorité, et se retrouvait en fin de compte comme une idiote à danser et à ne pas s’amuser autant qu’elle le souhaitait. Le comportement d’Ethan plombait son humeur. Il captait finalement son attention par son indifférence et devenait sa priorité : elle voulait être vue, remarquée. Il était avec elle, dans ce club, mais n’attaquait pas son espace intime comme d’habitude. Il n’agissait pas avec elle de façon ordinaire. Il jouait le détachement, allait et venait dans le club sans un regard pour elle. Elle était une cliente comme une autre.

Tel est pris qui croyait prendre. Je suis vraiment pathétique de désirer son attention maintenant. J’en suis donc arrivée à ce stade avec lui ?

Les douze coups de minuit approchèrent. Il ne restait plus beaucoup de temps et elle espérait que le reste de la nuit ne soit finalement pas sur le même état d’esprit, une fois la soirée finie. Elle qui pensait avoir avancé avec lui dans leur relation en estimant être parvenus à mieux communiquer en début de soirée, déchantait. Elle regrettait que cette nouvelle entente ne se ressente pas davantage alors que leur supposé départ se profilait. En fin de compte, elle ne savait plus vraiment ce qu’elle voulait. Il jouait leur contrat à la perfection. Deux parfaits inconnus hors séance, comme il était stipulé et acté. Il n’avait provoqué aucune dispute ou bagarre, à croire qu'il n'y avait qu'avec elle que tout partait en vrille. Il avait fait de sa soirée une soirée normale dans son club.

Chacun sa vie, chacun ses priorités en dehors de nos « séances ». Tout est donc réellement fini pour ce soir ? Même notre nuit ? Comment dois-je comprendre les choses, Ethan ?

Elle réalisa un peu plus les enjeux que pouvait représenter cet accord de réconfort mutuel et surtout l’influence qu’Ethan exerçait à présent sur elle. Elle avait commis une erreur et avait sous-estimé l'impact de sa décision sur le reste de la soirée. Tout allait bien au-delà d’un moment câlin, bien plus qu’un besoin sexuel ou d’attentions physiques mutuelles. C’était aussi une présence, un regard vers qui se tourner, l’attente d’un geste vers l’autre. Ils en étaient là. Elle regrettait d'avoir énoncer la fin de leur séance de réconfort. Finalement, elle avait scellé le glas de sa soirée qui se devait être agréable.

Ou bien est-ce moi qui interprète tout mal ? Je ne sais même plus ce qui est du normal ou pas dans notre relation.

Elle ne voulait pas s’accrocher à lui et pourtant, elle le cherchait du regard, elle voulait son attention, elle voulait ses provocations la surprenant à chaque fois. Elle restait indécise sur les limites qu’elle devait dresser entre eux. Lorsque le DJ rappela que le décompte du Nouvel An allait commencer, son cœur se mit à battre. La perte de temps à ne pas se réconforter mutuellement allait peut-être enfin cesser. La longue attente allait sans doute prendre fin et calmer ses angoisses une fois ensemble à son appartement. Du moins, c’était bizarrement tout ce qu’elle souhaitait à présent, pour ne pas être totalement déçue.

Tout le monde se retrouva sur la piste de danse et prononça le décompte jusqu’à ce que des « Bonne année ! » fusent de partout. Simon lui sauta au cou, alors qu’elle était dans un état second, attendant sa délivrance. Barney se joint rapidement à lui pour lui faire la bise, mais Kaya resta inerte, comme sonnée. Elle ne voyait pas Ethan et son angoisse gonfla. Sam, bien éméché, embrassa BB sur la bouche avec fougue. Mais là, encore, Kaya eut cette drôle d’impression d’avoir quitté son corps et d’être dans un rêve. Tout lui semblait flou. Oliver vint à elle pour lui faire la bise, mais ses yeux appelaient Ethan inlassablement.

— Bonne année, Kaya ! annonça gentiment Oliver.

Elle lui sourit, mais son cœur était à l’inquiétude. Elle espérait qu’Ethan soit le premier à s’enthousiasmer de la retrouver, mais ce ne fut pas le cas. Elle n’était pas la première à entendre son souhait de bonne année. Il semblait même avoir disparu.

Quelle prétentieuse tu fais ! Tu n’es pas plus importante que les autres à ses yeux ! Tu n’es qu’une proposition pour apaiser ses ténèbres après tout. Qu’est-ce que tu espèrais ?

— Bonne année ! lui répondit-elle, sans conviction, cherchant à comprendre comment ils en étaient arrivés au point où cette soirée n'était finalement plus un moment de réconfort.

— Je pense que la seule chose que je puisse te souhaiter, c’est « bon courage » pour cette nouvelle année. Tu vas en avoir besoin avec Ethan.

L’énonciation de son prénom remit Kaya sur orbite et elle considéra enfin Oliver.

— Euh… oui ! se mit-elle à rire timidement. Du courage, il va m’en falloir pour le comprendre et le supporter. Peut-être même que cette année ne sera finalement qu’une étape et que l’année suivante, tout cela n’aura plus de sens. Qui sait où je serai dans un an…

Elle baissa les yeux, sous le regard surpris d’Oliver.

— Quel optimisme ! L’année commence à peine et tu vois déjà la fin entre vous ! T’ai-je dit qu’Ethan était un homme qui ne renonçait pas à ses objectifs ? Je doute qu’il voie une fin entre vous pour l’instant tant que tu auras son attention. Regarde derrière toi !

Aussitôt, Kaya se retourna et vit Ethan, juste derrière elle, les mains sur les hanches et le regard dur.

— Alors comme ça, l’année prochaine, tout cela n’aura plus de sens ? C’est à ça que tu résumes notre rencontre ? Des moments sans plus d’importance dans une vie ? Une étape ? Tu rencontres le pire connard au monde, selon tes mots, et tu résumes cela par un truc qui sera suffisamment anodin pour passer à autre chose assez vite ? On se boude toute la soirée et c'est à cette conclusion hâtive que tu arrives ? Je vais t’en donner du sens, moi ! Je vais même imprégner bien profond en toi le connard que je suis pour que tu rumines cette rencontre pour le reste de ta vie !

Sans ménagement, il écrasa sa bouche contre celle de Kaya et tout à coup,le monde tourbillonna autour de Kaya. Ça sautillait, ça criait, ça dansait, mais seul le baiser d’Ethan comptait et venait la rassurer. Tel un soulagement, le baume « Ethan » agissait sur elle et elle en était contente. Elle réalisa qu’elle avait aussi besoin de son réconfort tout autant que lui. Leur "rupture" avait eu des conséquences bien plus grandes qu'ils ne l'auraient pensé. Ils avaient besoin l'un de l'autre, bien au-delà de leur contrat ce soir. Elle sourit entre ses lèvres et passa ses bras autour de son cou.

— Effectivement, je me suis demandé si tu allais encore continuer à m'ignorer longtemps. Le temps, c'est une distance. Et la distance éloigne les gens !

— Ça t'a agacée ?

— Tu aimerais ? lui répondit-elle par une autre question, pour ne pas montrer sa réelle inquiétude durant la soirée. Ton orgueil serait grandi par cette victoire...

— Ose me dire que tu ne l’as pas été ?

Kaya s'interrogea alors, surprise par son insistance à vouloir lui faire avouer l'inavouable.

— L’aurais-tu fait exprès pour que je le sois ?

— Et comment ! lui déclara-t-il alors plus fièrement. L’attente ! Voilà la première leçon de ton connard préféré. Tu as voulu partager ton temps avec d’autres ; tu en as donc perdu volontairement avec moi. Tu m'as sacrifié ! Tu as échoué à me consoler tout ça pour être avec les autres. J’espère que je t’ai bien frustrée sur tout ce que tu n'as pas obtenu ! Car moi, je le suis encore plus que je ne l’étais et j’ai franchement l’impression que ça ne t'a fait ni chaud ni froid que je sois en détresse psychologique depuis ce début de soirée.

Détresse psychologique ? Rien que ça ?

—Donc oui, j’espère que tu regrettes bien tes choix !

La stupéfaction marqua le visage de Kaya en réalisant qu’il l’avait bien baladée et qu’il était vraiment incroyable dans son raisonnement. Il ne laissait rien passer qui pourrait le desservir. Il allait même jusqu’à prendre sur lui et jouer une comédie, pour lui enseigner une leçon de morale, teintée d’avertissement.

— Tu as donc fait exprès d'être ultra distant, juste pour me tester ? Juste pour m'apprendre ta vision des choses ?

Ethan cacha difficilement son air ravi devant la conclusion qu’elle venait d’amener sur un plateau d’argent.

— J'ai appliqué le contrat... lui répondit-il, le ton plus grave. Pas de réconfort, donc pas de considération pour l'autre. C'est ce qui est écrit. C'est ce que j'ai pris en pleine face quand tu m'as dit : « pas de séance ce soir ! » .Tu m'as rejeté, mes besoins et moi. Tu m'as ignoré, donc j'en ai fait autant. Tu n'as gagné que mon mépris et mon indifférence en réponse, à hauteur du préjudice causé. Voilà où tes clauses t'ont menée ! Et encore, je trouve que j'ai été trop indulgent ! Mon côté connard se ramollit ! J'aurais pu danser avec des femmes devant toi pour enfoncer le clou ! Je ne l'ai pas fait !

Le poing de la jeune femme atterrit sur son bras en réponse. Kaya se contenta de le regarder de façon stupéfaite et agacée, analysant difficilement ce qui le poussait à agir de manière si extrême avec elle.

— S’il faut en arriver à ça pour que tu comprennes que j'ai besoin de nos moments de réconfort, je recommencerai ! Même si tu n'en as pas envie et à chaque fois que je passerai au second plan ! Tu as intérêt à être très convaincante à partir de maintenant, car là, je suis dans une colère énorme de n’avoir pas été pris au sérieux. Je fulmine même ! J’ai besoin d’un très très gros réconfort maintenant et j’ai l’impression que tu ne vois rien et ne me comprends toujours pas !

Kaya baissa les yeux. Était-elle passée vraiment à côté de quelque chose de grave pour qu'il soit aussi dur ? Elle le regarda attentivement pour tenter de lire en lui. Il semblait très énervé, mais plus elle plongeait son regard dans le sien, plus elle y constatait aussi une blessure.

Ethan, pourquoi es-tu si exigeant ? Qu'est-ce qui a changé depuis la dernière fois, pour que tu réclames autant ?

Elle passa sa main dans la tignasse d'Ethan délicatement. Instinctivement, l’énervement d’Ethan diminua, se laissant aller à savourer ce pauvre soulagement qu’elle acceptait de lui accorder.

— En fait, tu as fait ça afin de trouver l’excuse parfaite pour me demander plus ! lui déclara-t-elle plus doucement, avec un petit sourire. C’est ça, la vérité !

Ethan tenta alors de nier par une mimique faussement innocente. Elle pouffa devant sa désinvolture et se hissa un peu plus contre lui pour poser un baiser contre ses lèvres. Son soulagement n’avait d’égal que le bonheur de voir qu’il n’avait pas renoncé à leur nuit ensemble. Ethan se laissa aller et répondit à son baiser volontiers. Tout son être était tremblant à l’idée de retrouver ses lèvres. Il avait dû attendre, ronger son frein sans rien laisser paraître, mais il était heureux. Elle ne s’était pas vexée et semblait accepter l'erreur qu'elle avait commise et son indignation à ne pas avoir été entendu comme il se devait. Elle venait même de l’embrasser. C’était la plus belle récompense qu’il pouvait espérer. Il serra un peu plus son étreinte, et après un regard réciproque où chacun pouvait lire le pardon de l’autre, ils laissèrent leurs langues se taquiner avec empressement.

— Alors, tu penses vraiment que tout ça n’a toujours pas de sens, que l’année prochaine tout sera fini, même après ce baiser ? lui demanda-t-il à bout de souffle, les yeux fermés, et complètement bouleversé par toute cette tension qu’il pouvait enfin relâcher.

— Bonne année, Ethan ! lui déclara-t-elle pour seule réponse, malgré un grand sourire polisson.

— Bonne année, Princesse ! répondit-il séduit, avant de lui dérober un nouveau baiser qui risquait de leur couper une nouvelle fois le souffle.


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