Bonjour à tous !
Voici le chapitre 3. Après avoir fait la connaissance de notre cher Mills, voici maintenant Eliette ! Que pensez-vous de ce début ? Il y a pas mal de personnages qui vont graviter autour de notre Aélis. Tous hauts en couleur !
J’ai rectifié le bug au niveau de l’ajout de commentaires. Vous pouvez dorénavant le faire ^^.
Enjoy !
©Jordane Cassidy – 2022
3
Exister
en territoire inconnu
Éliette apparut devant Aélis et s’inclina rapidement. C’était une jeune femme assez maigre, le teint blême, les cheveux attachés en un chignon caché par un tissu en dentelle.
— Je viens à vous pour vous aider à faire votre toilette si vous le souhaitez. C’est Monsieur Aicard qui m’envoie.
— Est-il prévu que je soupe en présence du Duc ?
— Je ne saurais dire. Il faut voir avec le maître de maison pour ce qui est du planning de Messire Callistar.
Tout cela l’agaçait. Elle avait l’impression d’être promise à un fantôme. Elle fit un signe à la servante pour qu’elle s’exécute, même si elle restait tendue. Éliette l’invita à s’asseoir devant la coiffeuse et défit sa coiffure pour lui brosser les cheveux. Sa surprise s’exprima en un silence et un arrêt brutal de son geste lorsqu’elle lui retira sa capuche et vit ses cheveux gris. Aélis comprit sa stupeur, mais préféra lui faire oublier toutes les possibles théories fumeuses qu’elle pourrait avoir en tête en lui changeant l’ordre de ses réflexions.
— Éliette, n’est-il pas trop dur pour vous de travailler pour le Duc ?
Éliette sembla surprise de sa question si directe. Aélis pouvait reconnaître ne pas avoir pris de pincettes alors qu’elles ne se connaissaient pas, mais la curiosité la dévorait. Elle angoissait à l’idée d’être l’épouse de l’homme le plus effrayant qu’il soit. Elle attendait des réponses pouvant soulager son inquiétude.
— Pourquoi me posez-vous cette question ? lui demanda la servante alors, à la fois gênée et méfiante.
— Je ne sais pas. Je crois que me marier à votre Seigneur me terrorise.
Éliette ne répondit rien et défit sa coiffure pour la brosser.
— Vous ne souhaitez pas me répondre ? lui demanda alors Aélis, plus offensive.
— Il n’y a rien de plus dur que la rue et notre Duc est celui qui m’en a sortie. Vous n’obtiendrez rien de médisant de ma part.
Elle commença à lui tresser les cheveux et Aélis sentit qu’elle n’y allait pas de main morte. Sa poigne lui tirait les cheveux. Elle ignorait si c’était par rigueur et concentration professionnelles ou si sa question dérangeait vraiment, mais son visage à travers le reflet du miroir s’était fermé.
— Je n’attends aucune médisance en particulier. Je vous demande seulement comment se comporte le Duc avec vous. Est-il dur, autoritaire, imbuvable, ou doux, à l’écoute, honnête et droit ? Si vous préférez me décrire l’aspect le plus beau du Duc par peur de représailles de ma part, vous n’avez rien à craindre de moi. Je ne vous jugerai pas. Je me garderai bien de contester quoi que ce soit, ne l’ayant jamais rencontré !
— Souhaitez-vous prendre un bain ? l’interrompit Éliette tout à coup.
Visiblement, sa question dérangeait ; elle changeait de sujet.
— Vous savez, vous pouvez me parler sans crainte, je ne répèterai rien…, insista Aélis.
— Monsieur Aicard vous a-t-il montré la salle au grand bassin ?
Aélis finit par capituler, comprenant que sa discussion ne mènerait nulle part. Éliette n’avait aucune confiance en elle et cela semblait logique qu’elle refuse de se confier à une étrangère sur le point d’épouser son maître et pouvant la trahir auprès du Duc. Elle devait gagner sa confiance avant tout.
— Je l’ai aperçue très rapidement ! Serait-il possible d’y aller demain matin ?
— À votre aise, Dame Aélis De Middenhall.
— Vous pouvez m’appeler Aélis.
— Bien, Dame Aélis.
Aélis passa une heure avec Éliette, mais tout resta très formel et Éliette se montra peu loquace. Elle était une opportuniste à ses yeux et elle se demanda même si son mariage avec leur Duc était un événement que le personnel du château considérait d’un bon œil. Elle ignorait ce qu’ils pouvaient tous penser d’elle, mais il restait évident que les subordonnés du Duc lui semblaient très fidèles. Leur méfiance vis-à-vis de son père et d’elle était notable à bien des égards : regards méfiants ou défiants, chuchotements après leur passage, bruits de bouche indiquant un déplaisir certain, rire sournois dans leur dos. On la jugeait avant même qu’elle ait pu faire ses preuves. Pensaient-ils qu’elle était l’instigatrice de ce mariage ? Qu’elle avait soumis l’idée au Roi ? Croyaient-ils qu’elle soit issue d’une famille peu recommandable selon leurs critères de sélection ? Mais comme pour Éliette, elle ressentait cette animosité à son égard et ça l’inquiétait, notamment pour sa sécurité. Il arrivait vite un empoisonnement ou un accident dès que le personnel voyait d’un mauvais œil une personne de la noblesse. C’était déjà arrivé dans de nombreux fiefs. La relation domestique/maître demeurait une relation de donnant-donnant. Aélis pouvait fragiliser ce lien par sa simple venue et son statut d’épouse.
Le reste de la soirée ne fut pas mieux. Son futur époux se montra également absent durant le souper. Heureusement que Fergus était là, sinon Aélis aurait fini le repas dans sa chambre, par écœurement du peu de considération que lui donnait le Duc. Cela la rendait encore plus nerveuse. Elle avait peur de le rencontrer, mais elle avait aussi hâte de le voir pour vérifier s’il deviendrait son allié ou un ennemi à compter en plus. Son avenir allait dépendre de son attitude à son égard et elle redoutait ce moment. Que ferait-elle s’il la rejetait ? Elle n’était déjà pas loin de penser qu’il l’évitait. S’il l’ignorait, comment allait-elle survivre à cette nouvelle expérience ? Était-ce donc ainsi qu’elle devait envisager sa vie d’épouse ?
Elle passa une nuit agitée. Elle avait mal dormi. D’horribles rêves l’assaillaient, où l’épée du Chevalier de Sang lui transperçait la poitrine alors qu’elle le suppliait de faire au mieux pour devenir la meilleure des épouses. Lorsqu’elle reprit conscience, elle était en sueur et réalisa combien elle se sentait ridicule d’être dans ce postulat de femme soumise.
Le lendemain, Éliette la conduisit à la salle du grand bassin. C’était une pièce magnifique, ornée de mosaïques. Il y avait de quoi se laver avec des vasques adossées à un mur où sont collés des miroirs, des tabourets, des seaux de bois et puis ce bassin d’eau chaude pour se baigner et se reposer. Elle y resta une heure, puis Éliette s’occupa d’elle pour l’habillement, la toilette du visage et des cheveux. Elle sortit de cette salle du grand bassin ressourcée et s’avérait convaincue d’y retourner souvent. Éliette effectua son travail correctement, mais Aélis préféra rester seule plutôt que de sentir cette tension froide en sa présence.
Elle rejoignit son père rapidement dans la salle à manger. Fergus De Middenhall avait commencé son petit-déjeuner.
— Te voilà enfin ! lui dit-il alors, tout en se levant pour la serrer contre lui. As-tu bien dormi ?
— Pas vraiment. Mon angoisse ne cesse d’augmenter et j’en fais des terreurs nocturnes.
Son père lui montra un visage navré.
— Je ne sais pas quoi dire pour soulager ta conscience, ma fille. Je sais que ce n’est pas facile. Moi-même, j’ai du mal à croire que je risque de repartir sans avoir vu l’hôte de ces lieux.
— Maman t’attend. Tu ne peux pas rester ici éternellement. Le voyage en calèche est déjà suffisamment long pour que tu prennes davantage de retard.
— Te laisser seule ici ne m’empêche pas d’angoisser. Je sais que c’est en partie de ma faute si tu te retrouves dans cette situation, mais je ne peux qu’être inquiet pour la suite.
Aélis ravala sa rancœur une nouvelle fois en silence. L’inquiétude de son père passait mal, comparée à la sienne.
— On se revoit bientôt ! trancha-t-elle pour ne pas envenimer les choses.
— Oui, le bal de fiançailles, puis le mariage, je sais. Aélis, tu sais, je suis fier de ta force mentale. Tu as le courage de ta mère. Même si ton départ l’a affectée, c’est une femme qui a toujours été capable de rebondir et je ne doute pas que tu en fasses de même.
Les paroles de son père lui firent mal au cœur. Si elle ne doutait pas du courage de sa mère, la comparaison ne lui semblait pas judicieuse pour dédramatiser cette position d’épouse de convenance. Sa mère lui manquait. Elle avait été beaucoup plus partagée sur son sort. Elle avait exprimé plus de réserve. Malgré tout, son père restait son père. Son cœur se serra à l’idée de ne plus les voir aussi souvent à partir de maintenant. Elle quittait les deux piliers qui l’ont fait grandir. Fergus l’invita à sa table pour leur dernier repas en famille avant qu’il ne la quitte.
Voir son père quitter le château fut un effondrement. Sa colère s’effaça devant l’idée de perdre son allié, son protecteur de toujours, son père. Heureusement, Mills l’avait accompagnée durant cette douloureuse épreuve. Il l’avait supportée, encouragée, rassurée, durant l’heure suivant son départ pour faciliter la transition. La solitude ne lui avait jamais autant pesé que maintenant. Elle se sentait perdue, désœuvrée et ignorée par le principal intéressé : le Duc Callistar. Mills ne suffisait pas à lui faire oublier dans quelle histoire insensée on l’avait plongée. Sa tristesse était sans fin. Elle se vit dans l’obligation de lui fausser compagnie poliment pour partir s’enfermer dans sa chambre. Elle avait besoin d’évacuer le trop-plein d’émotions qui la parcourait depuis cette fameuse rencontre avec le Roi.
Aélis émergea d’une sieste pleine de larmes, deux heures plus tard. Les rayons du soleil à travers la fenêtre l’appelaient. Elle avait besoin de sortir de ce château, de prendre l’air. Elle étouffait. Les cheveux cachés sous sa cape, elle quitta la chambre en trombe, passa devant Éliette en courant sans lui accorder le moindre regard et fonça vers la grande porte. Le soleil l’aveugla, mais elle était à l’air libre. Rien ne lui avait été dit concernant sa possibilité de quitter le château, alors elle la saisissait. Les deux soldats à l’entrée parurent surpris de la voir seule, mais ne dirent rien. Elle en profita donc pour dévaler les escaliers devant le château et prendre de l’air à pleins poumons. Elle repéra rapidement une petite église jouxtant le château d’un côté et ce qui semblait être le bâtiment des chevaliers de l’autre. Une écurie semblait apparaître entre le château et le bâtiment des chevaliers. Elle décida donc d’aller se trouver un ami auprès des animaux.
Elle ne vit personne aux abords de l’écurie. Elle ne savait pas si elle devait s’en sentir soulagée ou peinée. Elle avait besoin de rencontrer des gens, mais elle craignait d’être déçue de leur comportement distant. Les box des chevaux paraissaient assez propres et les bêtes bien entretenues. Quelque part, cela lui fit plaisir de voir que les chevaux des chevaliers étaient considérés à leur juste valeur. Cependant, la charpente semblait vieille, les outils usés par le temps. Elle s’avança vers les chevaux et en caressa un. Sur le box était écrit « Lutès ».
— Salut Lutès ! Ne t’inquiète pas, je ne te ferai pas de mal ! Je viens en paix ! Tu es magnifique, dis-moi.
La robe du cheval était beige. Son poil était court, mais très bien entretenu. C’était un cheval assez imposant. Il avait trois tresses en guise de crinière, attachées toutes trois par des liens en cuir. C’était joli, mais restait assez masculin.
— Je me nomme Aélis ! Enchantée ! lui dit-elle tout en lui donnant de grandes caresses.
— Enchanté ! Moi, c’est Finley !
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